Cela fait maintenant quelques semaines que je contacte d’anciens membres de SEGA of America. Scot Bayless, en plus d’apparaître dans une célèbre publicité US, fut le Directeur technique du SEGA Multimedia Studio qui a donné vie à l’ambitieux Jurassic Park sur MEGA-CD. Récemment, j’ai pu lire de nombreuses interviews de l’homme et c’est tout naturellement que j’ai décidé de le contacter pour en savoir plus sur son parcours. Au cours de cette entrevue, nous avons brassé un grand nombre de thématiques et ce fut l’occasion de revenir, en long, large et travers, sur le SEGA des années 90. MEGA-CD, SEGA Multimedia Studio, Jurassic Park, les relations entre SEGA Japon et SEGA of America, des anecdotes croustillantes… c’est ce qui vous attend dans ce long entretien.
Encore merci à Scot pour sa gentillesse et le temps passé à répondre à toutes mes questions.
Pouvez-vous nous raconter comment tout a commencé pour vous ? Étant enfant, vous vous attendiez à suivre une telle voie ?
J’ai toujours trouvé les jeux vidéo fascinants. Quand mon frère avait huit ans, je lui ai appris à jouer aux échecs et je me souviens, étant enfant, que nous passions beaucoup de temps à jouer à des jeux de société. Pour moi, il s’agit assurément d’un déclic qui m’a conduit à suivre une carrière dans l’univers du jeu vidéo. Au lycée, je me suis spécialisé dans l’art et le théâtre et j’ai été accepté au Art Center College of Design (NDA : Il s’agit d’une université très réputée, fondée en 1930 et ayant ses quartiers dans la ville de Pasadena en Californie). À l’époque, j’étais presque sûr que j’allais suivre un chemin m’amenant vers l’art et le design industriel.
Et puis, un jour, je suis arrivé en retard à un cours d’acting et j’ai pris un raccourci à travers le centre informatique. Je me souviens être passé devant une immense fenêtre donnant sur une salle remplie d’ordinateurs. À l’intérieur, il y avait un type avec une grosse moustache et une veste en velours côtelé en train de travailler sur un terminal graphique. Sur l’écran, il y avait une image abstraite, d’une beauté surnaturelle et j’ai pensé alors ‘Je dois absolument apprendre à faire ce genre de choses !’ Donc là, j’ai zappé le cours auquel je devais me rendre et je suis entré à l’intérieur de la salle. Le mec en moustache était en fait le responsable du département informatique de l’établissement et il m’a invité à suivre un cours de programmation avec lui. Bien évidemment, je n’ai pas hésité…
Hop, on avance de deux mois dans le temps et je suis là, en face de ce fameux terminal, avec un livre de physique sur les genoux et des livres de programmation et de mathématiques sur le sol. Je codais comme un fou furieux sur ce qui deviendra, vous l’avez deviné, mon premier jeu. Après cela, je n’ai plus pensé au passé, mais il m’a fallu attendre douze années pour que je puisse, à mon tour, entrer dans l’industrie du jeu vidéo. Cet évènement, au lycée, est le moment qui m’a conduit à ce que je suis aujourd’hui.
Comment avez-vous commencé à travailler pour SEGA ? Avez-vous rencontré Mark Cerny à l’époque ?
Je venais juste de terminer la production de Falcon 3.0 (un jeu d’avion sur MS-DOS) quand l’un de mes amis a mentionné le nom de SEGA of America. À l’époque, la société était en plein boom et ils recherchaient des ingénieurs. J’avais rencontré Ken Balthaser quelques années auparavant et je l’aimais bien, donc je me suis dit que ça valait le coup de tenter l’expérience et de voir ce que SEGA pouvait proposer.
Mark, lui, était à SEGA Technical Institute quand j’ai rejoint l’entreprise. Nous faisions partie d’un tout nouveau studio américain, sous la direction de Shinobu Toyoda. De ce fait, nous n’étions pas beaucoup en relation avec STI.
Ceci dit, nous n’étions pas complètement isolés les uns des autres. À un moment donné, Yuji Naka a entendu parler de mes travaux. Je travaillais sur des techniques de compression visant à afficher plus d’éléments graphiques sur la Mega Drive. Il a entendu parler de ça et il m’a contacté, me demandant si ses gars pouvaient récupérer ce que j’avais écrit pour Sonic 2. Donc oui, il y a un peu de mon code dans le second épisode du hérisson.
À quoi ressemblaient les bureaux de SEGA Multimedia Studio ? Vous souvenez-vous de l’organisation ? Était-ce un open-space similaire à celui de SEGA Technical Institute ?
Je m’en souviens bien. Lorsque nous avons déménagé dans le bâtiment sur Shoreline Drive, il s’agissait d’un open space avec quelques bureaux fermés regroupés dans des zones centrales. Mon bureau était dans l’un de ces espaces et mon équipe travaillait dans des sortes de « cubes » à proximité.
Quand j’ai rejoint SEGA, je travaillais sous les ordres de Jim Huether en tant que Directeur Technique. Jim faisait ensuite transiter les informations à Ken Balthaser qui s’assurait d’informer à son tour Shinobu Toyoda. Un an après mon arrivée, l’organisation de l’entreprise a été chamboulée et c’est à cette période qu’a été formé le SEGA Multimedia Studio, sous la houlette de Tom Reuterdahl. À son tour, il faisait remonter toutes les avancées de la production à Shinobu. Je suis allé travailler pour Tom au SEGA Multimedia Studio.
Peu de temps après, SEGA a signé l’accord de licence pour Jurassic Park et c’est devenu complètement dingue ! On a senti la montée en puissance du studio, en essayant de nous adapter à la création d’un jeu AAA destiné à une nouvelle plate-forme, qui était encore en prototype à l’époque. C’était fou ! Mais c’était aussi une énorme dose de plaisir. Nous étions une bande de geeks excentriques, passionnés, acharnés à créer le futur.
Maintenant, pouvez-vous nous parler de l’ambiance qui régnait au sein de SEGA Multimedia Studio ? Sur Youtube, les fans de SEGA peuvent découvrir un making-of de Jurassic Park vraiment impressionnant. Un peu comme si Hollywood s’était invité dans l’univers du jeu vidéo !
Whow, je n’avais pas vu cette vidéo auparavant !
En fait, à l’exception de Joe Miller (NDA : Directeur Technique chez SEGA Technical Institute) et Tom Reuterdahl, tous ces gens ont travaillé pour moi sur le projet Jurassic Park. Il y a des dizaines d’histoires dont je pourrais vous parler et la manière dont nous sommes parvenus à terminer le jeu mais voici l’essentiel de ce qu’il faut savoir :
Au début du projet, je dirigeais l’équipe d’ingénieurs du studio. Tom a alors fait appel à un producteur d’Apple qu’il a embauché pour mener à bien le projet Jurassic Park. SEGA avait versé une somme colossale pour obtenir les droits de la licence et la pression était terrible. Malheureusement, alors que nous étions en avance sur le plan technique, le game design et la réalisation du jeu prenait de plus en plus de retard.
Pour faire simple, le projet n’avait pas de direction claire. La planification des tâches était quasiment inexistante et, comme on pouvait s’y attendre, cela a conduit à beaucoup de frustration, surtout parmi mes ingénieurs et les artistes de Mimi Doggett (NDA : Directrice artistique de SEGA Multimedia Studio). On a travaillé comme des forcenés mais la moitié de nos travaux ont été abandonnés.
Le point de rupture est intervenu quand Tom s’est rendu à Tokyo. Sur place, il devait participer à une réunion avec l’ensemble du board de SEGA pour faire le point sur le jeu. Je me souviens très bien de ce jour. Il était deux heures du mat’ (heure du Pacifique) quand mon téléphone s’est mis à sonner. À l’autre bout du fil, c’était Tom. Là, il m’a balancé : « Tu es désormais en charge de Jurassic Park. Fais en sorte de mener à bien le projet. » De toute évidence, la réunion s’était mal passée au Japon.
Dès le lendemain, j’ai pris la relève en tant que Producteur exécutif sur Jurassic Park et j’ai commencé à me creuser les méninges. La première chose que j’ai fait, c’est de rencontrer l’ensemble des chefs de départements (art, son, design…) et d’effectuer un audit des disfonctionnements. La réponse courte se résumait à des objectifs peu clairs et une communication abominable entre les différents services. Non seulement le projet manquait d’un objectif global mais, en plus, personne ne savait ce que l’autre était en train de faire.
Ma solution a consisté à faire le point avec chaque groupe et à fixer des objectifs très clairs, pour avoir une vision globale du jeu final. Là, j’ai formé des équipes de deux à six personnes (pour chacun des départements concernés) en donnant à chacun la réalisation d’éléments-clés dans le jeu. Je rencontrais les équipes tous les jours en leur expliquant précisément ce que je voulais et ce que j’attendais de leur travail. Après ça, on a fait de vrais progrès et nous avons travaillé comme une véritable équipe de production. Le reste, comme on dit, c’est l’histoire qui s’est chargée de le dessiner.
On imagine pas la pression qu’il pouvait y avoir sur vos épaules à cette époque. Surtout pour Jurassic Park qui était un projet énorme pour SEGA.
La pression était énorme – et pas seulement pour moi. Je me souviens que Joe Miller s’est pointé au bureau un dimanche à 17h30 et qu’il a vu mes ingénieurs jouer… à Doom. Il ne leur a rien dit sur le moment mais il m’a envoyé un mail salé pour comprendre pourquoi mes gars étaient en train de s’éclater sur Doom alors que nous avions un jeu très important à terminer.
Je me suis alors rendu dans son bureau et je lui ai expliqué que :
1 / Il était quasiment 18 heures un dimanche soir.
2 / Ce jour-là représentait le 100ème jour de travail d’une équipe qui bossait 7 jours sur 7.
Je me souviens lui avoir dit : « Joe, ces mecs seront toujours là à minuit. Il est temps de lâcher du lest. »
Mais aussi dur que fut ce développement, je ne pense pas qu’un seul d’entre nous aurait échangé sa place contre un autre. Nous étions une équipe et nous étions vraiment content de ce que nous faisions.
Pouvez-vous nous parler des relations entre SEGA of America et SEGA Corporation ? Un paquet de légendes urbaines racontent que c’était très tendu, notamment le combat permanent entre Tom Kalinske et Hayao Nakayama. Vous avez aussi connu Michael Katz (NDA : Président de SEGA of America de 89 à 91) mais avez-vous rencontré Hayao Nakayama ? Et si oui, comment était-il ?
J’ai pu m’entretenir de temps à autre avec Nakayama-san, mais j’ai eu plus de contacts avec Shinobu Toyoda, avec qui je correspond toujours d’ailleurs. Comme beaucoup de légendes urbaines, il y a une part de vérité dans ce qui est raconté. Mais en réalité, les faits sont beaucoup plus complexes. Voilà ce dont je me souviens :
Nakayama-san était très ouvert et très favorable aux ambitions et choix de SEGA of America. Il avait la réputation d’un gars prêt à prendre des risques. Dès le début, Tom Kalinske a rencontré un grand succès en poussant l’entreprise vers le multimédia. Souvenez-vous, nous étions au début des années 90 et le MEGA-CD était une réponse de SEGA à une industrie désireuse de se tourner vers le CD-ROM, support pré-visualisant le futur du jeu vidéo.
La tension est intervenue plus tard et s’est produite à cause de multiples évènements :
Tout d’abord, la période de lancement du MEGA-CD était chaotique. La documentation mettait des plombes à arriver et c’était pire pour les kits de développement. Pendant des mois, mes gars ont dû utiliser de vieux prototypes qui faisaient la taille d’une malle et qui fonctionnaient environ 30% du temps. On a dû faire face à toutes sortes de problème, pa seulement avec les équipes internes, mais aussi avec les éditeurs tiers. Parvenir à commercialiser cet appareil nous a demandé des efforts monstrueux, sans parler des sérieux problèmes techniques qu’on a dû résoudre.
Deuxièmement, en raison du lancement approximatif du MEGA-CD, les premières ventes n’ont pas répondu aux attentes. Par conséquent, Tom et Nakayama-san en prenaient pour leur grade, chacun de leur côté, par le board de SEGA.
Troisièmement, SEGA of America était persuadée que les jeux en Full Motion Video pousseraient les joueurs à se procurer le MEGA-CD. Malheureusement, la hype autour de ce procédé était bien inférieure aux quantités mises sur le marché et les joueurs se sont détournés de la FMV. La leçon que l’on peut tirer de tout cela, c’est que la Full Motion Video n’est pas du gameplay.
Tout cela a conduit, avec la Saturn se profilant à l’horizon, à une situation où Nakayama a dû se démener pour trouver quelque chose de suffisamment important pour contrer Nintendo et les autres (notamment Atari qui venait juste de lancer sa Jaguar). Cela a amené tout un tas de décisions catastrophiques provenant à la fois de SEGA Japon mais aussi de SEGA of America.
La société entière a fait l’erreur de réagir au lieu d’agir et de prendre des décisions de leader. Et quand ces décisions conduisent à des échecs, cela fait naître de la frustration et on vous montre du doigt. Bon nombre d’employés de SEGA of America ont accusé SEGA Japon de retarder l’envoi des technologies et des informations qui étaient indispensables au succès de la firme en Amérique du Nord et en Europe. De l’autre côté, nombreuses sont les personnes chez SEGA Japon à avoir blâmer SEGA of America pour son manque de réaction et son incapacité à répondre aux attentes des joueurs.
Les deux avaient tort – et bien entendu, les deux avaient raison.
Pour les fans, SEGA est une entreprise qui a toujours prôné le fun, avec une atmosphère unique et une grande liberté laissée aux créateurs. Pensez-vous, maintenant en 2016, qu’il existe une entreprise dans le monde qui ressemble à SEGA ?
J’adore cette question !
L’image du « fun » que SEGA a toujours projeté est à la fois une réalité et de la fiction. Les attachés de presse et les équipes du marketing ont travaillé très dur pour transmettre cette impression d’entreprise cool. C’est d’ailleurs pour ça que je me suis retrouvé dans ces deux pages de publicité (NDA : pour le MEGA-CD) dans le magazine Rolling Stones. Mais, au jour le jour, SEGA n’était rien d’autre qu’une grande entreprise avec tous les problèmes auxquels les sociétés d’importance doivent faire face.
Et pourtant, il y AVAIT quelque chose de différent… Un jour, après la fin du développement de Jurassic Park, mon téléphone s’est mis à sonner et c’est une voix délicieuse de femme, avec un accent britannique, qui m’a répondu. ‘Est-ce Scot Bayless à l’appareil ?’ J’ai répondu qu’il s’agissait de moi et elle m’a dit ‘Pouvez-vous patienter, David Bowie va vous contacter.’ Dix secondes plus tard, David Bowie en personne m’invitait à New York. Et des trucs comme ça, je peux vous dire que ça ne se produit pas très souvent chez Intel. :)
Quant à la nouvelle SEGA ? Oui, c’est probablement évident, mais je dirais que Sony Worldwide Studios, sous Shuhei Yoshida, est l’héritier. Contrairement à SEGA, les équipes de Shuhei sont dirigées comme une myriade de studios indépendants. Ils font face à des attentes incroyablement élevées, mais ils ont aussi beaucoup d’autonomie. Avec le talent nécessaire et un leadership ambitieux, leurs résultats parlent pour eux.
Quel est votre ressenti justement à propos du SEGA d’aujourd’hui ?
Je pense que SEGA est une créature bien différente de nos jours. L’approche est bien plus légère et pragmatique qu’autrefois. Pendant des années, ils ont lutté pour définir leur image. Dernièrement, ils semblent se concentrer vers des studios d’importance – un peu comme s’il piquait une page du livre de Shuhei – et ça semble fonctionner.
Vous souvenez-vous d’anecdotes amusantes liées à SEGA Multimedia Studio, à vos collègues ou à l’ambiance générale chez SEGA ?
Fizzball ?
Durant le développement de Jurassic Park, il fallait se défouler. Ce n’était pour la recherche du fun uniquement, c’était carrément obligatoire. Donc, pour faire prendre du bon temps à toute l’équipe, les artistes de Mimi Doggett ont inventé Fizzball. Il s’agissait tout simplement de jouer au baseball sur le parking avec une canette de Coca-Cola, qui était autorisée à prendre le soleil pendant quelques heures à la place de la balle.
Vous n’avez pas idée à quel point le Coca-Cola chaud peut être collant…
Pour terminer, voici une question libre. Pouvez-vous nous donner votre ressenti vis à vis de votre expérience chez SEGA ? Et quel est votre point de vue sur l’industrie d’aujourd’hui ?
SEGA fut, sans aucun doute, l’un des meilleurs moments de ma carrière. Je me souviens encore de ces gens, devenus à la fois des amis et des compagnons d’armes. Leur énergie et leur talent étaient vraiment épiques et je les adore tous.
Pour moi, SEGA a été un tournant majeur. J’ai quitté l’entreprise pour fonder un studio indépendant avec une poignée d’amis. Ce studio fait maintenant partie de Sony et les choses que SEGA m’a appris sont devenues les outils qui ont lancé ma carrière. Sans SEGA, je n’aurais jamais connu le succès que j’ai obtenu avec Microsoft et Capcom.
Quant à l’industrie, je suppose que je peux la résumer de la sorte : « Tout ce qui est vieux est nouveau. » La technologie est beaucoup plus complexe désormais. La taille des équipes de développement est de plus en plus importante. Les budgets aussi. Mais les petites équipes indépendantes, parfois même une seule personne, peuvent avoir un impact énorme sur le secteur. Donc, c’est différent d’autrefois, mais c’est aussi, bizarrement, très familier.
La technologie qui pourrait modifier radicalement notre approche du jeu vidéo est la réalité virtuelle/augmentée. Ce n’est pas dit que cette génération (de VR) est celle qui va tout changer mais je pense qu’il y a de fortes chances. C’est pour cela que je travaille avec une startup spécialisée dans la VR. Nous sommes l’un des studios qui travaillons très dur pour définir le divertissement autour de la réalité virtuelle. Ce n’est pas une tâche facile mais, dans un sens, cela me rappelle mes jours passés au sein de SEGA. Nous n’avons peut être pas réussi, mais c’était un pied d’enfer de participer à tout ça.
Comme Ken Balthaser a autrefois plaisanté : « Cela ne marchera peut-être pas, mais merde, on s’en fout… »
INTERVIEW ORIGINALE (ENGLISH)
1
/ Could you tell us how it all started for you ? Was this career is something
you had always dreamt of as a child ?
I've always found games
compelling. I taught my brother chess when he was eight and we used to play a
lot of board games in my house when I was a kid. For me, there was a very
specific moment that led to videogames as a career. I was majoring in Art and
Theater in college and had been accepted to Art Center College of Design - at
the time I was pretty certain I'd be pursuing a professional path that involved
art and industrial design.
One day I was late for
an acting class and I took a shortcut through the computer center. I remember
passing this huge window that looked into a room full of computers and seeing
this guy with a big mustache and a corduroy jacket working at a graphics
terminal. On the screen, was this beautiful, unearthly, abstract image and I
thought, "I have to know how to do that!" So I blew off my class and
went inside. The guy with the mustache was the head of the CS department and he
invited me to take an introductory programming course, which I did...
Fast forward about two
months and there I am, at that same terminal, with a physics book in my lap,
math and programming books on the floor. I'm coding away furiously on, yep you
guessed it, my first game. After that, I never really looked back. It was
another twelve years before I actually entered the game industry, but that
moment in college was where I took the path that led me there.
2
/ How did you begin to work for SEGA ? Did you meet Mark Cerny ?
I'd just finished up
producing Falcon 3.0 when a friend of mine mentioned that Sega of America was
ramping up and looking for engineers. I'd met Ken Balthaser a couple of years
before and liked him quite a bit, so I figured I'd reach out and see what Sega
was up to.
Mark was at Sega
Technical Institute in the US when I joined the company. We were part of a new
US studio formed under Shinobu Toyoda so, in the day to day, we didn't have all
that much contact with STI.
We weren't completely
isolated from one another though. At one point Yuji Naka heard I'd been working
on some compression techniques aimed at squeezing more graphics into the
Genesis and contacted me, asking if his guys could grab what I'd written for
Sonic 2. So, yeah, there's a tiny bit of my code in the second Sonic game. :)
3
/ What did SEGA Multimedia Studio's offices look like? Do you remember the
organization inside SEGA Multimedia Studio ? Was it an open space setup,
similar to SEGA Technical Institute ?
I remember it well. When
we first moved into the Shoreline building, it was all open space with a few
small hard-walled offices clustered in a couple of central areas. My office was
in one of those clusters and my team was kind of spread out in cubes nearby.
When I first joined
Sega, I worked for Jim Huether as a Tech Director and Jim reported to Ken
Balthaser, who ran all of Production for Shinobu. But, about a year in, there
was a major reorg in which the Multimedia Studio was formed under Tom
Reuterdahl, who reported directly to Shinobu. I went to work for Tom as the
studio TD.
Not long after that,
Sega inked the Jurassic Park deal and suddenly we were this crazy ramp-up,
trying to build a world class team to do AAA work on a brand new platform that
was only barely out of prototype. It was nuts. But it was also a tremendous
amount of fun. We were a quirky, driven, passionate bunch of geeks hell-bent on
creating the future.
4
/ Could you talk about the mood inside SEGA Multimedia Studio ? On Youtube,
SEGA's fans could watch a making-of very impressive ! It's Hollywood in
videogames !
Wow I hadn't seen that
piece before! With the exceptions of Joe Miller and Tom Reuterdahl, all of
those folks worked for me on the Jurassic Park project. There are dozens of stories
I could tell you about that team and how we got the game done, but here's the
bare bones version:
At the beginning of the
project I ran the engineering team, Tom assigned a producer he'd hired out of
Apple to run Jurassic Park. Sega had put a LOT of money on the table and we
were under enormous pressure to deliver. Unfortunately, while we were very
quickly up to speed on the technical front, the game's design and execution
kept slipping farther and farther behind.
To put it bluntly, the
project simply lacked clear direction. Planning was almost nonexistent. As you
might expect, this led to a great deal of frustration, especially among my
engineers and Mimi Doggett's artists. We were working incredibly hard, but half
of what we created ended up getting tossed aside.
The breaking point came
when Tom went to Tokyo for a meeting of the Sega board to review the game. I
remember my phone ringing at about 2AM Pacific Time. It was Tom. With no
preamble at all, he said, "You're in charge of Jurassic Park now. Figure
out a way to get it under control and get it done." Obviously, the meeting
hadn't gone well.
The next day I took over
as Executive Producer and started digging in. The very first thing I did was
meet with the department heads, Art, Sound, Design, etc. to nail down what was
going wrong and why. The short answer boiled down to unclear goals and terrible
communication between departments. Not only did the project lack overall focus,
but nobody knew what anyone else was doing.
My solution was to take
stock and set super clear targets for what the game would be. Then I formed
little teams of two to six people from the relevant departments, each of which
was responsible for building some key piece of the game. I met with every team
every single day and told them as clearly as I could what I wanted and when I
expected it. After that, we started making headway. Soon we were acting like a
real production team and the rest, as they say, is history.
5
/ Was there any pressure on your shoulders at the time ? Especially for
Jurassic Park that was a huge project for SEGA at time. Could you tell us the
"making of" of that unbelievable game
The pressure was
enormous - and not just on me. I remember Joe Miller coming into the office one
Sunday at about 5:30PM and seeing my engineers playing Doom. To his credit, he
didn't say anything to them, but he sent me a slightly angry email as soon as
he got to his office, asking what the hell people were doing playing Doom when
we had a game to deliver.
I responded by marching
down to his office and pointing out to him that a) it was 6PM on Sunday evening
and b) that day represented something like the 100th day of the entire team
working seven days a week. I said, "Joe, most of those guys will still be
here at midnight. You might want to cut them a little slack."
But as hard as that ride
was, I don't think any of us would have traded it for an easier gig. By the
time we were done, we were a team and we were pretty happy with what we'd made.
6
/ Could you talk about the relationships between SEGA of America and SEGA
Corporation ? A lot of urban legends tell that it was difficult, notably the
"fight" between Tom Kalinske and Hayao Nakayama. You've also known
Michael Katz but have you met Hayao Nakayama ? If yes, how was he ?
I did have a little
contact with Nakyama-san. I had more with Shinobu Toyoda, whom I still
correspond with from time to time. As with many urban legends, there's a kernel
of truth but the reality is much more complex. Here's what I remember:
Nakayama-san was
actually very open minded about the ambitions of SOA and very supportive. He
had a reputation as a guy who was willing to take risks. Early on, Tom Kalinske
enjoyed great success in making his case for the push into multimedia.
Remember, this was the early 90’s and Sega-CD was the company’s response to
what the entire industry saw as the game-changing introduction of CD-ROM mass
storage.
The friction came later
and came from several sources:
First, the rollout of
Sega-CD to SOA was very rocky. Documentation was very slow in coming and dev
kits were even slower. For months, my guys had to use old prototype breadboard
systems that were roughly the size of a steamer trunk and worked about 30% of
the time. This led to all kinds of problems, not just with internal teams, but
with our 3rd parties as well. Just getting to market was a massive effort and
there were huge numbers of serious technical hurdles that had to be overcome.
Second, because of
Sega-CD’s rough launch, early sales weren’t up to expectations. Consequently,
both Nakayama and Tom were getting a bunch of heat from the board.
Third, SOA put a very
strong emphasis on FMV as the key selling point that would get players to buy
Sega-CD. Unfortunately, the hype far exceeded the platform’s ability to deliver
and gamers just didn’t care that much about FMV. The lesson here was that FMV
is not gameplay.
All of this led to a
situation where, with Saturn coming down the pike, Nakayama found himself
needing to come up with something big to counter Nintendo and others (notably
Atari which had just launched the Jaguar). This led to a whole string of what
turned out to be terrible decisions that were made both at SOJ and SOA.
The whole company
shifted to ‘reacting’ instead of ‘leading’. And, when those reactive decisions
didn’t produce good results, the outcome was a great deal of frustration and
finger-pointing. Many among the SOA leadership blamed SOJ for failing to
deliver technology and information that were critical to the company’s success
in North America and Europe. Many at SOJ blamed SOA for sloppy execution and
failing to properly set gamers’ expectations.
Both were wrong - and of
course both were right too.
7
/ For fans, SEGA was a company where fun was very important, with unique
atmosphere and a real freedom for creators. Do you think, now in 2016, that
there is a company in this world which look like to SEGA ?
I love this question!
That ‘fun’ image Sega
projected back in the day was both reality and fiction. The PR and Marketing
teams worked very hard to convey a hip/cool persona. That’s how I ended up in
that two page ad in Rolling Stone. But, in the day to day, Sega was often just
another big company with all the complexities big companies have to face.
And yet, there WAS
something different… One day, after Jurassic Park, my phone rang and this
absolutely lovely female voice with an English accent said, “Is this Scot
Bayless?” I said it was and she said, “Can you please hold for David Bowie?”
Ten seconds later David Bowie was inviting me to New York. Stuff like that
doesn’t happen very often at Intel. :)
As to the new Sega?
Yeah, it’s probably obvious, but I’d say that Sony Worldwide Studios, under
Shuhei Yoshida, is the heir apparent. Those guys are nothing short of awesome.
Unlike Sega, Shu’s collection of teams is run much more like a stable of
independent studios. They face incredibly high expectations, but they also have
a tremendous amount of autonomy. With the right talent and leadership that’s a
recipe for greatness and the results pretty much speak for themselves.
8
/ What are your feelings about SEGA today ?
I think Sega is an
entirely different creature today. It’s much leaner, much more businesslike.
For years, they struggled to find the persona that made sense for them. Lately,
they seem to be focusing on the stronger studios in their portfolio - almost as
if they’re taking a page from Shu’s playbook. And it seems to be working.
9
/ Do you have any funny anecdotes about SEGA Technical Institute, your
colleagues or the general atmosphere at SEGA?
Fizzball?
During Jurassic Park,
blowing off steam now and then wasn’t just fun, it was mandatory. So Mimi’s art
team invented Fizzball. It’s essentially baseball played in the parking lot
with a can of Coke that’s been allowed to sit in the sun for a couple of hours
as the ball.
Do you have any idea
how sticky hot Coca Cola is?
10
/ Now, a freedom question. Can you give us your feeling about your experience
at SEGA ? About what you want. And your point of view on the industry of
videogames nowadays.
Sega was, without
question, one of the best moments in my career. I still remember those people
as friends and comrades in arms. Their energy and their talent were genuinely
epic and I adore them all.
For me, Sega was a
turning point. I left the company to found an indie studio with a couple of
friends. That studio is now part of Sony and the things Sega taught me became
the tools that launched my career. Without Sega, I would never have enjoyed the
success I did at Microsoft and Capcom.
As to the industry, I
guess I’d sum it up by saying, “What’s old is new.” The technology is vastly
more sophisticated now. Team sizes can get much bigger. Budgets too. But then
we’ve seen a resurgence of small, independent teams, sometimes even one-man
outfits, that can have a huge impact on the sector. So it’s all different, but
weirdly it’s also very familiar.
The technology that
could radically alter what videogames even mean is VR/AR. It’s not clear yet
whether this generation of that technology is the one that will change
everything but I think it has a very good chance.
Which is why I’m working
with a VR startup. We’re one of the studios that’s working hard to define what
VR entertainment is. Not an easy task but, in a way, I feel like I’m back in my
Sega days. We might not succeed, but however it turns out it’ll be one
hell of a ride.
As Ken Balthaser once quipped, “This may not work but what the hell…”