Daniel Ichbiah, La Saga des Jeux Vidéo
Daniel Ichbiah est un écrivain et journaliste français spécialisé dans les jeux vidéo, la musique, la robotique et le multimédia. Il vient de publier aux Editions Pix'n Love (www.editionspixnlove.fr) la dernière et plus complète édition jamais parue de la Saga des Jeux Vidéo.
LiveGen : Merci
beaucoup Monsieur Ichbiah de répondre à nos questions. Vous êtes
l’auteur d’un très grand nombre d’ouvrages aux thèmes très variés :
musique, informatique, technologie, internet… Qu’est ce qui vous a
poussé à vous lancer dans la Saga des Jeux Vidéo, à écrire sur le jeu
vidéo ?
Daniel Ichbiah : C’est un peu en écrivant l’histoire de Bill Gates que je me suis dit qu’il y avait des témoignages qu’il était indispensables de préserver. Dans l’histoire de Bill Gates, à un moment, il y a un type qui est mis en cause qui s’appelle Gary Kildare.
Ce mec, au moment où je fais le bouquin, est déjà mort et je ne peux
donc pas avoir sa version des faits. C’est à ce moment que je me suis
dit qu’il était indispensable de raconter ces histoires au moment où on
le peut encore. On vit dans une époque complètement dingue où la
technologie évolue très vite. C’est un peu comme les débuts du cinéma !
Si on n’avait pas eu des gens qui avaient écrit sur ces époques passées,
sur le début des Charlots, de Chaplin… etc, on
n’aurait pas toutes ces histoires de ces gars qui sont assis dans un
cinéma et qui reculent dès qu’ils voient un train arriver sur l’écran.
J’ai écris plein de bouquins mais ce livre est celui dont je suis le
plus fier, car dans cinquante ou cent ans, on se dira « c’est comme ça
que le jeu vidéo est né ? ». Grosso modo, les mecs qui ont conçu le jeu
vidéo, ce sont des branques totales ! Y a peut être aujourd’hui un art
en train de se créer, y a rien et il y a une création. Les mecs qui ont
créé le jeu vidéo sont vraiment hors du commun. Je te prends un exemple : World of Warcraft ! Chris Metzen, l’un des fondateurs de World of Warcraft, va un jour dans un bar pour écouter un orchestre de rock. Il fait des petits gribouillis sur une table, il finit chez Blizzard !
Le jeu vidéo, c’est ça, c’est un domaine tellement créatif que c’est
des gens totalement hors normes qui font ça. Encore que je ne sais pas
si ça sera le cas encore très longtemps, mais ça a été ça au début et
longtemps.
LiveGen : Très clairement, mais justement de nos jours, on peut légitimement parler de patrimoine du jeu vidéo…
Daniel Ichbiah
: Bien sur, il s’agit d’un patrimoine. Attends, quand tu vois les
records de vente des disques, tu te rends compte que des séries comme Mario ou Pokémon ont vendu plus que l’album Thriller de Michael Jackson par exemple ! Mario,
à lui tout seul, c’est plus de 200 millions de jeux vendus ! Reste
qu’en France, y a encore des choses qui m’épatent et pas dans le bon
sens ! Encore hier (l’interview a été effectuée le 3 juillet 2009 lors
de la Japan Expo), j’étais à un débat sur Google dans une école
de management… quand j’ai parlé de jeu vidéo, j’ai vu un désert total
chez la plupart des gens… C’est un truc complètement dingue ! Quand
t’avais un phénomène comme les Rolling Stones, tous les gens étaient au courant parce que ça passait à la radio. A un moment, pendant le truc de Google,
j’ai voulu leur parler de jeu vidéo, j’avais carrément l’impression de
passer pour un alien. Les mecs sont à fond dans le livre, etc… Aussi
dingue que ça puisse paraître, à l’heure actuelle, une grosse partie de
la population ne se rend même pas compte que le jeu vidéo existe…
LiveGen : C’est super paradoxal… car le jeu vidéo est quand même un média monstrueux.
Daniel Ichbiah
: Oui, mais le souci, c’est que le jeu vidéo est très longtemps resté
un média où t’étais tout seul devant ta console. Autant des
personnalités comme Madonna, il est impossible de les rater,
autant des gens qui n’ont jamais joué à un jeu vidéo peuvent rester
toute leur vie en dehors de ça.
LiveGen :
Justement, dans votre livre, on recense un nombre incroyable
d’anecdotes, d’histoires parfois totalement loufoque. J’ai eu l’occasion
il y a quelques temps de cela d’écrire un article sur Eric Chahi qui a
développé Another World dans sa cave en allant jusqu'à utiliser une
Majorette (les petites voitures en métal) et une caméra pour simuler le
mouvement du dérapage…
Daniel Ichbiah :
Mais voilà, exactement, j’ai rencontré des gens qui m’ont parlé du
début des dessins animé, et pareil… par exemple, pour une pyramide
humaine… les mecs se montaient dessus les uns sur les autres pendant que
les dessinateurs essayaient de retranscrire au mieux la scène.
LiveGen : Et
sans rentrer dans les détails bien sur, quels procédés vous utilisez
pour mener à bien un projet comme ça ? Pour écrire un bouquin sur les
jeux vidéo, il doit y avoir un travail d’investigation qui est énorme ?
Vous avez réussi à avoir des personnalités comme les deux têtes
pensantes de Blizzard, notamment Chris Metzen, qui est absolument…
intouchable !
Daniel Ichbiah : Oh que oui, ça a été très dur (rires). D’ailleurs, ce fut aussi le cas pour Will Wright.
Au début, c’est difficile, mais progressivement s’ils voient qu’il y a
leurs potes ou collègues et pas eux, ils acceptent d’être interviewés !
Par exemple, quand j’ai écris la bio de Téléphone, Aubert
au départ ne voulait pas me parler. Et puis, quand il a vu qu’il y
avait tous les autres membres du groupe qui avaient parlé… il a changé
d’avis. Y a un peu de cet effet ! Dans le jeu vidéo, c’est aussi ça qui
se passe. Bien souvent, ce sont les premières interviews qui sont les
plus dures à obtenir, après ça suit.
LiveGen : On peut parler de « confiance » vis-à-vis du projet sur le point d’être réalisé ?
Daniel Ichbiah
: Ce n’est pas forcément de la confiance. C’est surtout qu’ils se
recommandent les uns les autres de parler à tel ou tel média. Chez Sega, y a une histoire très marrante avec un gars surnommé « Oncle Franck ». Ce que j’aime, c’est raconter l’histoire à partir du point de vue d’un personnage. Pour la Dreamcast,
justement, j’étais vraiment embêté, je ne savais pas quoi raconter !
J’avais les faits, mais je n’avais pas la personne capable de me parler
de cette époque. Et à la fin, on a trouvé avec Frédérick Raynal et son équipe. On peut suivre toute l’histoire de la Dreamcast par leurs yeux. Un jour, lors d’un meeting à Londres, Frédérick Raynal vient présenter un nouveau jeu… et là, on lui annonce qu’il faut tout arrêter mais ne rien dire à l’équipe de No Cliché (le jeu s’appelait Argatha,
était bien avancé mais n’aura jamais vu le jour). Pendant un mois, il
se retrouve en France dans sa boîte à tirer une tronche pas possible et
il ne peut rien dire à son équipe.
LiveGen : En
effet, ce sont des anecdotes surprenantes ! Aujourd’hui, le jeu vidéo
est reconnu de tous, il est impossible de le nier. On est très loin du
côté « ghetto » des années 80-90, est-ce que vous pensez que la
créativité dans le jeu vidéo était beaucoup plus riche avant ou que
cette fougue créative est encore présente de nos jours ?
Daniel Ichbiah
: Alors, j’arrive à dater très précisément… Grosso modo, c’est aux
alentours de 98 qu’il y a eu un truc. Le jeu vidéo a basculé dans
l’achat de licences et avec la présence de gros, comme Electronic Arts, qui va s’embêter à signer des petits mecs qui font des petits projets quand ils peuvent faire 40 millions d’Harry Potter ? On est rentré dans le syndrome de l’industrie du cinéma… Tous les ans, on sait que tu vas avoir ton GTA, ton Harry Potter, ton Seigneur des Anneaux… Quelque part, c’est des super jeux pour la plupart mais ils manquent d’un peu de folie…
LiveGen :
Mais alors, est-ce que ce n’est pas paradoxal ? Car aujourd’hui, on
parle de dématérialisation avec le Playstation Store, le Xbox Live
Arcade ou encore la Virtual Console de la Wii. Et il y a des mecs comme
Jonathan Blow qui nous sortent des jeux formidables comme Braid ! Donc,
il y a quand même une once de créativité dans le jeu vidéo ?
Daniel Ichbiah
: Tout à fait, l’espoir vient de là ! Je pense notamment à l’I-Tunes
Store ! Y a des mecs qui vont utiliser cette brèche pour dévoiler leurs
créations, c’est évident !
LiveGen : Mais la dématérialisation peut être un souci, non ?
Daniel Ichbiah
: Oui, mais ce qui est bien, c’est qu’ils peuvent vendre leur jeu sans
penser à la production derrière. On se retrouve un petit peu comme au
début des années 90 où tu pouvais avoir un public pour pas grand-chose. A
l’époque, c’était sur disquette, ils utilisaient des sharewares qui
permettaient aux gens d’essayer leurs créations.
LiveGen : Mais
alors, ce qui est rigolo aussi, c’est que par rapport aux années 90, je
pense notamment à un gars comme David Perry qui a fait des merveilles
comme Aladdin ou encore Earthworm Jim, il y a eu un vrai bouleversement
et pas dans le bon sens.
Daniel Ichbiah : Oui, tout à fait quand on voit Enter The Matrix… ça ne le faisait pas.
Livegen : Ben,
c’est Shiny Entertainment, et depuis qu’il a créé cette boite là, il
n’est un peu que l’ombre de lui-même. Ils se sont un peu rattrapés avec
Matrix : Path of Neo mais le résultat était quand même loin d’être
exceptionnel. C’est dingue, il y a des personnes, autrefois
talentueuses, qui n’arrivent pas à sauter le pas vers la nouvelle
technologie. Au Japon, ils ont un gros problème avec la maîtrise de la
technologie actuelle, si bien que les développeurs nippons prennent
exemple sur l’occident alors que ce n’était pas du tout le cas avant.
Qu’est ce que vous pensez de cette situation, c’est l’ouverture du jeu
vidéo qui a fait que c’est devenu comme ça où est-ce autre chose ?
Daniel Ichbiah : Pour David Perry,
je crois que c’est autre chose qui se passe. Avant, le mec, il était
programmeur et développait ses jeux, alors que maintenant il gère des
équipes, fait du management… Ceci dit, ce n’est pas le cas de tout le
monde. Je prends le cas de Will Wright qui a managé le projet « Les Sims » et a été une réussite totale. Spore
également, n’a pas cartonné, mais reste très intéressant à découvrir.
D’ailleurs, il va se mettre à faire des robots maintenant. Will Wright
est l’archétype du gars pas prétentieux… c’est un type qui a des idées,
qui fait ses jeux et qui s’en fout si ça va marcher ou presque. Lui,
c’est une histoire de dingue, on lui a d’abord refusé Sim City, on lui a ensuite refusé les Sims, on lui a tout refusé. Y a juste pour Spore qu’il a eu le feu vert total, suite aux succès de ses créations antérieures. C’est comme Satoshi Tajiri et Pokémon à qui on a fermé un nombre incalculables de portes, avant qu’il ne frappe à celle de Nintendo. On en vient à Miyamoto ! Ce mec a un pif d’enfer, c’est un vrai artiste…
Livegen
: Quoique, à l’heure actuelle, on ne sait pas trop où il va… on a
l’impression qu’il est bridé (sans jeu de mots !) dans ses projets.
Daniel Ichbiah : Je ne sais pas trop, j’avoue que depuis Pikmin, j’accroche plus…
Florent Gorges, Rédacteur en Chef des Editions Pix’n Love, intervient
alors et complète cette interview avec des informations très
intéressantes :
« C’est ce que nous disait un de nos artistes
japonais qui sont là pour la Japan Expo, c’est qu’au Japon, plus tu
prends du grade, moins tu fais de choses. Au début, quand t’es au bas de
l’échelle, tu fais toutes les tâches ingrates, tu fais tous les trucs
que les autres ne veulent pas faire, et petit à petit tu évolues.
Seulement voilà, plus des années passent, plus y a des nouveaux qui
arrivent, faut leur apprendre le métier. En gros, tu dictes ce qu’il y a
à faire mais ce n’est plus toi qui effectue les travaux. »
Livegen :
Pour en revenir à votre ouvrage, vous avez créé la Saga des Jeux Vidéo
en 1997, 1998… 2004 et donc 2009. Combien de temps vous mettez à écrire
un livre de cette ampleur ?
Daniel Ichbiah
: Tu n’es pas le premier à me poser la question. Il est difficile de
chiffrer en temps la conception d’un tel bouquin. On m’avait posé la
question lors j’ai écrit un bouquin sur les robots, un pavé de 450
pages. Il arrive que tu mettes des choses que t’as capté lors
d’interviews. Par exemple, pour le bouquin sur les robots, c’est
impossible à chiffrer. En fait, pendant des années, dans un magazine,
j’ai eu la rubrique « Le Robot du mois », j’ai compilé tout ça, il y a
eu des interviews en plus. C’est des mois, des mois et des mois de
travail. A la fois pour connaître les gens et ensuite écrire sur le
thème voulu. Avec un bouquin, il y a plusieurs étapes. Tout d’abord, tu
recueilles les données, c’est un peu comme si tu avais des ingrédients
pour faire une paëlla et tu les choisis au fur et à mesure. Tu dois
penser qu’il y a un lecteur au bout et que tu dois lui donner du fun. Le
mec, il a son samedi aprem de libre, il a un DVD qui vient d’arriver,
il a peut être un jeu… t’es en concurrence avec vachement de choses.
J’ai plutôt choisi de ne pas mettre trop de héros dans le bouquin. Ca
serait peut être important si j’en faisais une encyclopédie mais ce
n’est pas important pour le fun de l’histoire. C’est pour ça que je me
suis axé sur des personnages secondaires. Après, dans un livre, tu
prends beaucoup de temps à mettre en place une chronologie amenant à un «
suspense ». C’est un travail à la fois de mise en scène et de mise en
forme.
Livegen : Ma prochaine question
est portée sur les médias. Aujourd’hui, on le sait, on le voit tous, le
jeu vidéo explose et pourtant, les médias, notamment la télévision, le
traite d’une façon qui n’est sans doute pas la plus intelligente. On a
eu le GTA IV qui a fait un pataquès pas possible alors qu’il s’agit
d’une histoire écrite avec talent, avec soin et pourtant…
Daniel Ichbiah : Bien sur, d’ailleurs, je peux te raconter une anecdote intéressante. Je suis passé sur Europe 1,
y avais un mec qui a sorti un rapport sur les jeux vidéo comme quoi ça
ne rend pas intelligent. Donc, on est dans le débat, on cause, on cause…
je le laisse venir, et plus il parlait, et plus je me demandais où il
nous amenait. Je lui pose juste une question, je lui dis « monsieur,
vous nous racontez toutes ces choses sur le jeu vidéo, vous nous dites
que Kawashima ne rend pas intelligent… mais est-ce que
vous y avez joué ? » (le débat était en direct). Le mec me répond : «
Non, non, je n’y a pas joué ». Je lui dis alors : « vous savez à qui
vous me faites penser ? à un mec qui met le doigt de pied dans la
piscine et qui prétend avoir nagé » (rires). Le mec, il est tout de
suite monté sur ses grands chevaux : « Je ne vous permets pas, c’est de
la démagogie ». Résultat, la fille d’Europe 1 s’est permis de
lui répondre que le principal avant d’écrire une étude sur le jeu vidéo,
c’est de commencer par jouer. Et ce n’est pas fini… quelques jours plus
tard, je vais chez l’attachée de presse de Nintendo et j’explique que j’ai mouché le mec en question. Et là, y a un journaliste du Figaro
qui se met à dire que ce n’est pas grave de ne pas avoir joué au jeu,
qu’il peut faire une étude sans avoir jouer. Le mec avait bien une
demi-page d’argumentaire, il n’y connaissait rien ! On est dans un
domaine où les mecs nous bassinent et ils n’y connaissent rien de rien !
Maintenant, on voit des mecs qui sortent de nulle part qui parlent du
sujet, des psychiatres etc. Les mecs, ils fantasment à longueur de
journée. Je ne sais pas pourquoi ce truc leur fait peur, ils ont peur de
prendre une manette et de regarder, ou d’avoir l’air un peu nouille, je
n’en sais rien mais c’est du délire total.
Livegen :
C’est complètement dingue, mais quand on regarde les sujets à la
télévision. Il faut avouer qu’a part sur Arte où le thème du jeu vidéo
est traité avec intelligence, ailleurs c’est un peu la cata. Bon,
certes, ça change un peu avec des émissions testées sur la T.N.T avec
une belle avancée à ce niveau, mais sur les chaînes dites hertziennes,
on sent vraiment que le montage est fait par-dessus le pied.
Daniel Ichbiah
: Ca me fait penser au début, en 94. J’avais des papiers partout, les
mecs m’envoyaient paître en me disant « tu nous bassines », le Nouvel Obs
notamment. Et Internet, c’était pareil, c’était la pédophilie, le
crime, les machins trash… et les mecs n’avaient juste pas pris une
souris. Je vais te raconter un truc aussi assez marrant, c’est un mec
qui s’appelle Jacques Séguéla qui avait écrit un bouquin sur
Internet, le nouveau Magellan tout ça… Un jour, on se pointe chez AOL,
il vient de sortir un bouquin sur internet, la fille lui montre les
trucs, elle lui dit « prenez la souris », il chope la souris et il la
balade devant l’écran (rires). Le mec, il n’avait jamais utilisé un
ordinateur de sa vie. Chirac lui, il avait reconnu qu’il
n’avait jamais touché à une souris. Lui, au moins, il était honnête.
Mais j’ai assisté à tellement de débats complètement dingues. Un jour,
je me retrouve avec des mecs du Monde et Libération,
ils avaient écrit un bouquin et plus le débat avançait, plus on se
rendait compte qu’ils n’avaient jamais touché à un CD-ROM de leur vie !
Les mecs, ils écrivaient parce que c’était le thème à la mode. Ils ne
s’intéressent même pas aux charts et aux jeux, ils s’attachent à
attaquer le jeu vidéo parce que c’est la mode. Je me rappelle d’il y a
quelques années, tu avais les professionnels, d’un côté les journalistes
de jeu vidéo et les journalistes de la grande presse, qui descendaient
en costumes-cravate, très « bobos » quoi (rires). Ils prenaient les
journalistes de jeu vidéo de haut… mais quand tu lisais leurs papiers,
passe-moi l’expression, mais il y avait des connards qui écrivaient des
trucs énormes ! Je me rappelle d’une chose, un mec de Libération
m’avait demandé ce que j’avais pensé d’un salon auquel on avait
participé ! Peu de temps après, sa chronique était exactement ce que je
lui avais dis ! Il avait recopié ce que je lui avais dis. Mais à cette
époque, y avais tellement de bêtises d’écrites sur le jeu vidéo, mais tu
sais des bêtises factuelles. Un jour, dans SVM, on avait fait un bêtisier, je me rappelle d’un truc. Un mec avait écrit dans un bouquin qu’untel avait créé Windows… alors que la personne en question avait intégré Microsoft
deux ans après (rires). Dans ce domaine, la plupart des mecs sont
largués et n’osent pas prendre une souris ou une manette et regarder un
peu par eux-mêmes.
Livegen : Mais justement, vous pensez que cette mentalité est en train de changer ?
Daniel Ichbiah : Je ne sais pas, car quand je vois le résultat du débat sur Google
et que les mecs avaient l’impression d’entendre parler de jeu vidéo
pour la première fois, ça ne rassure pas. On a encore l’impression que
c’est encore le ghetto. Il est vrai que ça change avec la Wii. Le jour où j’ai eu la Wii à la maison, j’ai eu des copains qui sont venus et tout de suite, hop, ils chopent la manette. Avec la Wii, y a eu une révolution. Et d’ailleurs, je tire mon chapeau à Satoru Iwata…
le mec, il a été très très fort de balancer aux gars « on va faire une
console qui va faire jouer les parents et les grands parents », il
fallait être sacrément visionnaire. C’est comme si un mec disait
aujourd’hui : « je vais faire jouer les pecnos, enfin avec tout mon
respect… je vais faire jouer les chasseurs » (rires).
Livegen : Oui,
mais justement, nous on est des joueurs confirmés, on joue depuis très
longtemps. Et pourtant, on a peur de ça, de cette démocratisation du jeu
vidéo, de la Wii… On voit énormément de forums qui fustigent les idées
de Nintendo en argumentant que ce n’est pas ça l’avenir du jeu vidéo
etc. Ne serait-on pas nous même aussi fermés que les journalistes qui
attaquent le jeu vidéo ?
Daniel Ichbiah
: Je pense que c’est super qu’ils aient ouvert le jeu vidéo de la
sorte, le faire entrer dans les familles, etc. Un gars, une fois qu’il a
acheté une console, il change un peu son discours.
Livegen : Quelle est l’anecdote qui vous a le plus marqué ?
Daniel Ichbiah : Oulà, alors là c’est difficile, il y en a tellement. Celle qui me vient à l’esprit là, c’est l’histoire de Tom Kalinske chez Sega qui expliquent aux responsables de Sega Japon que leurs personnages et univers ne marcheront pas en Amérique et qu’il est impossible de lancer la Megadrive
sur le sol américain en l’état actuel des choses. Les japonais ne sont
pas du tout d’accord. Kalinske se dit qu’il va se faire dégager aussi
vite qu’il est apparu dans l’organigramme de Sega pendant que
les personnalités nippones discutent entre elles. Et finalement, il
obtient le feu vert. Des comme ça, il y en a un paquet dans le livre !
Livegen : Vous qui êtes un joueur confirmé, quels jeux vous attirent à l’heure actuelle ?
Daniel Ichbiah : Je joue moins depuis quelques mois. Mais j’ai un regret, il n ‘y a plus de jeux LucasArts comme la série des Monkey Island qui sont des jeux que j’adore et que je ne retrouve plus dans cette génération. Ce que j’aimais dans les LucasArts, c’est qu’il y avait un esprit, un humour, qu’on retrouve par exemple dans Sam et Max.
Tu viens de balancer la bombe par la fenêtre et l’autre il sort « c’est
pas grave, c’est que des gens que je connaissais pas ». J’adore ces
dialogues décalés. Mais ceci dit, j’attends de pied ferme Les Lapins Crétins : La Grosse Aventure. Alors ça, c’est marrant, tu vois beaucoup de sociétés qui surgissent d’un seul coup, Cryo, Infogrames, Kalisto tout ça… et qui sont aujourd’hui tombées. Et à côté, t’as Ubi Soft qui avance comme une tortue, tout doucement et qui tient le choc. C’est un peu comme Ankama.
Livegen : Alors,
il y a une chose qui m’a interpellé. Sur Gameradio.fr, il y a une
interview de vous très intéressante et vous dites carrément « Si Mozart,
Einstein et ce genre de personnalités étaient encore vivantes, elles
feraient du jeu vidéo »…
Daniel Ichbiah : Mais oui ! Mozart,
à l’époque, c’était un mec qui était totalement rebelle. Tous ces
créateurs sont des types qui n’étaient pas acceptés, pareil pour Schubert. Tu vois, aujourd’hui, tous les mecs en costard cravattes disent « ouais, Schubert,
c’est magnifique », à l’époque ils ne seraient sans doute même pas
allés le voir. Ces mecs-là, ils ne vont pas voir un groupe qui passe à
la Cigale et qui dans cinquante ou cent ans sera une légende.
Nous, on n’a pas le temps d’attendre et surtout, on fait pas ce bouquin
pour ces mecs-là. Miyamoto, c’est un Mozart d’aujourd’hui si tu veux. C’est l’équivalent ou d’un Schubert
ou bien des peintres, etc. Et c’est ça le truc, ce qui est bien avec
les conservateurs, c’est qu’ils loupent tous les trains et qu’ils en
prennent un cent ans en retard. Donc, les mecs, ils ont ça sous les
yeux, ils ne le voient pas. A notre époque, il est vrai que les artistes
ont eu un peu plus de chances que jadis… quand tu vois la radio par
exemple, ça a été une révolution. Pour des groupes comme Téléphone,
tout ça, t’imagines l’outil de promotion extraordinaire que ça a été ?
On n’a aucun autre support qui a un outil de promotion comme ça.
Livegen :
Et pour en venir aux Editions Pix’n Love, qu’est ce qui vous a poussé à
contacter cette maison d’édition pour sortir votre Saga des Jeux Vidéo ?
Et d’avoir confiance justement en cette équipe ?
Daniel Ichbiah : J’avais sorti la Saga des Jeux Vidéo chez Vuibert,
mais j’étais bridé ! Y avais quatre personnes qui relisaient les trucs,
ils ont sabré des trucs. C’était un bouquin que je ne pouvais pas
ouvrir, j’étais très mal. Là, pour le coup, on s’est tout de suite mis
d’accord avec les Editions Pix’n Love, on voulait un bouquin
fun, intéressant à lire et remis au goût du jour. Je pense que quand tu
le lis, tu t’exploses. Ce n’est pas du tout une encyclopédie, c’est un
livre fun qui raconte des histoires funs. Moi, au début, je voulais
l’appeler « Fun, fun, fun » mais bon, la Saga des Jeux Vidéo
c’est plus commercial. Ce bouquin, c’est l’esprit du monde des jeux
vidéo. C’est des branques qui ont fait un truc complètement dingue. Je
savais que j’aurais eu carte blanche chez eux.
Editions Pix’n Love
: On a refait uniquement une correction, absolument pas stylistique,
juste une correction orthographique de base et quelques autres petits
aspects, comme l’orthographe de certains noms japonais, ect. L’équipe de
Pix’n Love a juste apporté des vérifications d’un point de vue
gamer, c’est tout. Donc l’édition que tu as là, c’est vraiment ce qu’il
y a de plus fiable dans toutes les éditions.
Livegen :
Et justement, par rapport au fait qu’il s’agisse d’un ouvrage sans
images, ça n’a pas été un problème pour les Editions Pix’n Love ?
Editions Pix’n Love
: Pour nous, il s’agit d’un test. Mais bon, on y croyait vu qu’il
s’agit d’un excellent bouquin qui a déjà fait ses preuves. Il y a déjà
beaucoup de lecteurs, donc ça déjà, ça peut éventuellement intéressé les
gens qui rechignent à l’idée d’avoir une nouvelle version alors qu’ils
avaient lu les précédentes.
Livegen : Mais donc au final, c’est une mise à jour de ce qui existait avant ?
Daniel Ichbiah
: Oui et non, car certains éléments qui paraissaient importants à
l’époque ne le sont plus. Il y a énormément de chapitres qui ont sauté, y
a de nouveaux chapitres. Dans les chapitres préservés, il y a un paquet
de nouvelles anecdotes. Il y a des zones de vides comblées si tu veux.
Par exemple, pour Doom, il y a des histoires super intéressantes. On apprend comment les mecs ont commencé à programmer Doom via le biais du shareware. Sur Sega, y a plein de nouvelles choses et de nouveaux chapitres sur la Wii, sur World of Warcraft,
etc. Je pense qu’a l’époque, je n’aurais pas du laisser sortir le
livre, ils l’avaient tellement édulcoré… un livre de jeu vidéo, ce n’est
pas un livre d’histoire.
Livegen : En
tout cas, merci à vous pour cette entrevue passionnante. Nous vous
souhaitons que du bien pour cet excellent ouvrage qu’est le vôtre.
Daniel Ichbiah : Merci à vous ! (j’étais accompagné de ma moitié)