Dans le cadre du test de Munch's Oddysee sur Nintendo Switch pour le site Jeuxvideo.com, j'ai envoyé quelques questions à Lorne Lanning, co-créateur de la licence avec Sherry McKenna. Il y a quelques années, j'ai pu l'interviewer pour un dossier du mook Pix'n Love consacré à Abe et j'ai, bien évidemment, conservé son adresse e-mail. Comme l'intégralité de l'interview ne pouvait être intégrée à mon article, je me suis permis de la traduire pour vous la présenter sur Terre de Jeux. Fidèle à lui-même, Lorne Lanning est toujours aussi inspirant et j'espère que j'aurai la possibilité, pour un futur dossier, de le contacter à nouveau.
Le test de Munch's Oddysee (version Switch) – avec la folle histoire du trailer PS2 – est à découvrir sur Jeuxvideo.com :
Et voilà l'interview :
1 / Pouvez-vous nous parler
de la genèse de Munch’s Oddysee ?
Comme avec tous les jeux
Oddworld, nous voulions que nos jeux soient des aventures teintées de dilemmes sous-jacents philosophiques faisant écho à nos perceptions sociales et la difficulté de notre monde. Tout comme l’art, les
jeux vidéo peuvent véhiculer des idées stimulantes et être le catalyseur du
changement de nos propres vies, un moyen pour aider les joueurs à se connecter aux
ironies de leur (notre) monde réel – en espérant que cette
connexion et cette contemplation aillent au-delà de l’expérience de jeu.
Pour Munch, nous voulions
que les joueurs aient cette sensation d’être les derniers de leur espèce. Pour imager
la chose et leur montrer à quel point la situation serait désespérée, l’avenir
d’une espèce entière dépendrait d’un nouvel héros improbable, en voie de disparition et suspendu en
bas de la chaîne alimentaire, qui suivrait la tradition d'Abe tout en jouant avec nos émotions au travers d'une aventure à la fois brutale et hilarante.
2 / Vous vous souvenez de la collaboration
avec Microsoft ? Munch’s Oddysee est un jeu exclusif à la Xbox. Pourquoi avez-vous choisi cette machine ?
C’était une période difficile et la
création de jeux devenait hors de prix. La Xbox avait la promesse de réaliser
de meilleurs jeux avec des coûts de production amoindris, tout en fournissant
des environnements de développement accessibles. La Xbox était une nouvelle
console et Microsoft avait besoin de jeux. Nous avions subi un changement d’éditeur
(suite à une histoire de ventes et de fusions) et c’était le bon moment pour changer d'éditeur et grimper dans le wagon d'un groupe passionnant qui était, aussi pour nous, un plan de survie.
Peu de temps après être arrivés chez Microsoft, les deux éditeurs que nous avions quittés avaient disparu
ou fonctionnaient de manière sporadique. Cela s’est donc avéré une bonne décision à l’époque.
La Xbox avait tout d'un atterrissage
en douceur car nous aurions pu faire faillite ou être écartelés, comme
tant d’autres développeurs, par la pression des rachats, des budgets, des plannings
imprévisibles et d’autres problèmes qui tourmentaient les boites indé à ce
moment-là. Si tu te souviens bien, à cette époque, les changements étaient si nombreux
que les studios de petite et moyenne taille se faisaient mâcher et on les
recrachait. Cette transition de génération de consoles était difficile pour les
développeurs et beaucoup de studios n’y sont pas parvenus ou ont dû être rachetés
pour survivre. En faisant le point, tous ces éléments ont été pris en compte dans l'offre d'exclusivité que proposait la Xbox.
C’était aussi une
période passionnante et l’équipe de Microsoft était un groupe plein d’énergie et
chargé d’une mission audacieuse. Ils se battaient dur pour faire de la console
un succès et ils étaient si solidaires que c’est rare de voir des gens aussi
intelligents et talentueux – avec une telle rage de vaincre – dans une grande
entreprise. Vraiment, c’était exaltant d’être impliqué dans cet effort collectif
pour le lancement.
3 / Pouvez-vous nous parler de la
création de Munch, le second personnage jouable qui accompagne Abe ?
Nous voulions un personnage qui soit
capable de nager afin de compléter l’agilité plus terrestre d’Abe. On obtenait
donc un équilibre des pouvoirs. Abe était à l’aise sur le sol face à un Munch
plus vif dans l’eau. Abe disposait de pouvoirs surnaturels, comme le fait de
prendre le contrôle des ennemis, alors que Munch pouvait utiliser son implant
électronique (qu’on lui a greffé dans le crâne au centre de recherche de tests
sur animaux – l’endroit où on découvre le personnage) pour piloter des armes ou
des machines robotisées. Par ailleurs, Abe avait ses disciples Mudodon qu’il pouvait
rassembler et faire combattre tandis que Munch (qui était auparavant un rat de
laboratoire) se grimait en sauveur de varmits (comme les Fuzzles) qui étaient
sous ses ordres et qu’il pouvait également utiliser pour combattre les ennemis.
Ainsi, le fait d’intervertir entre
les deux personnages sont des décisions régulières que le joueur doit prendre
et qui leur confère un intérêt comparable mais avec des pouvoirs différents.
On voulait aussi que Munch ait l’air
extrêmement vulnérable tout en restant adorable. L’ambiance est posée dans la
cinématique d’intro lorsqu’on entend l’histoire de Munch et qu’on découvre comment,
en tant que dernier membre de son espèce, il s’est retrouvé dans ce bordel après
avoir été trompé et capturé par une société Big Pharma qui compte l’utiliser comme
cobaye dans le cadre de stupides produits de consommation. Nous voulions que le
joueur soutienne cette grande cause du "petit qui se bat contre des géants".
L’animation de Munch a été calquée
sur la façon dont se meuvent les petits oiseaux lorsqu’ils sautillent. Ils paraissent
adorables dans leur manière de se déplacer, d’émettre des bruits et on y a ajouté le dilemme d’une créature naïvement TRÈS solitaire qui ne
trouve pourtant aucun de ses congénères. Il ne comprend pas nécessairement qu’il
est le tout dernier de son espèce mais nous jouons avec les émotions à
travers cette courte histoire et à mesure que se dessine la vérité dans le jeu… Jusqu’à ce qu’il décide de ce qu’il doit faire, même si son espèce a disparu à jamais.
4 / Avez-vous des anecdotes de
conception, sur l’équipe ou quelque chose d’autre ?
Nous avions sorti l’Odyssée d’Abe et
l’Exode d’Abe en 2D mais il était temps d’immerger la licence dans un univers
en 3D, ce qui nous permettrait de créer des mondes avec de la profondeur et des
détails supplémentaires… tout en profitant, bien sûr, de toute cette
omnipotence de la 3D dans les ventes de nouvelles machines. En tant que conteurs
d’histoires virtuelles, nous étions excités par l’utilisation d'une 3D au
service de l’immersion narrative. L’industrie avait, avec toute son
agressivité, répondu aux sirènes de la 3D et, pour une question de cohérence,
nous devions en faire de même. Passer à la 3D a été difficile et ce fut un
développement délicat avec des gens qui ont travaillé extrêmement dur, en
passant par des moments difficiles, mais il était temps pour nous de surmonter
ce défi.
5 / Désormais, le jeu est disponible
sur Nintendo Switch. Qu’avez-vous à nous dire à propos de cette version ?
Quelles étaient vos intentions en effectuant le portage sur cette console ?
Nombreux sont nos fans à être des fans
de la Nintendo Switch. Et avec le succès de la console, nous avons reçu des
demandes de nos fans pour porter nos classiques sur cette plate-forme. Ce qui
fait que Munch’s Oddysee est aujourd’hui le deuxième des trois jeux que nous
avons prévu de publier sur Switch cette année, le premier étant La fureur de l’Étranger.
Et nous annoncerons un troisième classique plus tard cette année sur Switch.
Un grand merci à Lorne Lanning pour avoir pris le temps de répondre à mes questions.