Nous sommes à la fin du mois d’avril 2020. Le monde assiste, médusé, à l’extension d’une pandémie et se terre en guise de protection en attendant le retour des beaux jours. C’est à ce moment qu’Ubisoft décide, par le biais, d’une courte vidéo de nous présenter les contours du nouvel épisode d’Assassin’s Creed. Sous les traits d’un artiste de génie, les internautes assistent à la conception d’un artwork somptueux mettant en scène Valhalla avant la révélation du jeu, quelques jours plus tard. Très attendue, cette escapade inédite sur les traces des Vikings est une sorte de condensé de l’expérience Assassin’s Creed, entre graphismes somptueux, faits historiques et aventure viscérale. En profitant de la sortie des consoles next-gen, jamais la série n’a atteint un tel niveau de détails et de fluidité sur consoles. Sortez les haches, revêtez votre manteau de fourrure, nous partons au cœur des fjords norvégiens.
Fête et ripaille sont de rigueur lors du prologue d’Assassin’s Creed Valhalla. Eivor, petit être de sexe féminin ou masculin (au choix) paraît bien chétif face à tous ces guerriers avides de nourriture et de langage endurci. Dès les premières secondes, le jeu – testé sur Xbox Series X – montre ce qu’il a dans le ventre en affichant des dizaines de personnages, le tout dans une ambiance des grands jours. Avec notre petite tête, on s’amuse à parler aux autochtones et à déambuler sur les tapis de cette gigantesque demeure. Quand soudain…
Eivor et contre tous
En incarnant Eivor, qu’il s’agisse d’une femme ou d’un homme, on plonge dans les tréfonds de l’âme des Vikings, avec des caractères forts, aimant le combat mais pouvant faire preuve d’une certaine délicatesse de paroles. Indéniablement, le protagoniste principal tranche avec ceux qu’on a connu dans les précédents épisodes et on s’y attache. Assassin’s Creed Valhalla réunit les mécaniques de gameplay connues depuis de nombreuses années. À l’action, à l’infiltration et à l’exploration (à pied ou à dos de canasson) viennent se greffer des séquences en mer où Eivor prend le commandement d’un équipage. On passe ainsi de contrée en contrée en découvrant des terres aux mille secrets, qu’il s’agisse de camps retranchés, de repaires de brigands, de villages grouillant de vie ou de forteresses à envahir. Le dernier né des studios d’Ubi Montréal propose des paysages gigantesques, d’une variété folle et profite de toute l’expérience acquise par les créateurs au cours des années précédentes. Même si on ne trouve rien de foncièrement nouveau dans l’approche, que ce soit dans les déplacements, les combats (ils sont plus bourrins mais profitent d’un système d’esquive bien conçu) ou les phases d’infiltration, tout semble maîtrisé. Il n’y a plus cet aspect parfois déséquilibré de certaines phases de jeu. Le constat est identique pour tout qui touche à l’inventaire, aux améliorations des armes, à l’utilisation de runes ou à la personnalisation de l’équipement. L’aventure d’Eivor est solide et ce sentiment ne fait que de se renforcer à mesure que l’on progresse, même si l’intelligence artificielle peut, par moments, nous faire sortir du jeu à cause de scripts un peu aléatoires. Et cette finition a une raison.
En octobre 2018, des membres de l’équipe sont partis en Norvège et en Angleterre afin de vivre, pendant quelques jours, à la manière des Vikings. Ces méthodes de repérages, qui viennent compléter les innombrables recherches des chefs de projet, sont souvent employées par les sociétés de cinéma (par exemple la Reine des Neiges avec Pixar) ou les studios de jeux vidéo et cette immersion change souvent tout au ressenti des principaux intéressés. Ce voyage en terre nordique et britannique a ainsi permis au staff de s’imprégner de l’esprit Viking, de puiser dans de multiples inspirations et moments vécus sur place. Ils ont ainsi partagé un repas au coin du feu à la manière des puissants guerriers scandinaves avant de naviguer sur les eaux des îles Lofoten ou de prendre les armes pour simuler un véritable assaut. Ils ont ainsi pu comprendre comment les Vikings ont développé une société complexe et très différente de nos us et coutumes. Eivor est une sorte de modélisation de cette incroyable expérience qu’ils ont vécu et qu’ils ont ensuite pu transmettre au reste de l’équipe. Et ce n’est absolument pas un hasard si le joueur, manette en main, perçoit la richesse de l’univers développé par le studio québécois. On retrouve d’ailleurs ce sentiment dans la musique du jeu. Fruit du duo Jesper Kyd et Sarah Schachner, la bande son d’Assassin’s Creed Valhalla a pu compter sur le concours de Wardruna, un groupe norvégien dirigé par Einar Selvik. En coordonnant leurs différents talents, les compositeurs sont parvenus à obtenir une sonorité Norse d’une grande profondeur et incroyablement immersive. L’utilisation d’instruments ancestraux a indéniablement joué un rôle important dans l’alchimie des divers musiciens. Dès lors, on comprend pourquoi Valhalla paraît si imprégné, si puissant, si mystique, si mythologique… Incontestablement, Assassin’s Creed Valhalla, du début à la fin, a été un long et passionnant voyage (et sans doute, on peut l’imaginer, difficile).
Terres de contraste
Avec la sortie de la nouvelle génération de consoles, il nous paraissait difficilement concevable de ne pas découvrir Assassin’s Creed Valhalla sur PlayStation 5 ou Xbox Series X. C’est donc sur cette dernière que nous avons pu profiter des somptueux paysages de ce nouvel épisode de la saga. Animation d’une fluidité exemplaire en 60 images par seconde, graphismes d’une impeccable netteté grâce à la résolution 4K, décors à perte de vue, profusion de détails, temps de chargement insignifiants… l’épopée d’Eivor est un fabuleux dépliant de panoramas (montagnes, forêts, plaines, côtes maritimes…) bordés de lumière et de teintes plus saisissantes les unes que les autres. Inévitablement, le couplage de téraflops de la console offre un confort extraordinaire mais il est toutefois important de souligner que le jeu, sur les autres supports (Xbox Series S, PS4, One), demeure d’une grande beauté. Il est d’ailleurs plus qu’appréciable de pouvoir, à tout moment ou presque, faire appel à son corbeau pour visionner les alentours et repérer les objectifs importants. Valhalla reste fidèle à la conception même de la franchise mais parvient néanmoins par petites touches à sublimer l’expérience du clan des assassins.
En conquête
Bien évidemment, Assassin’s Creed Valhalla propose des nouveautés intéressantes. En tant que viking, le joueur est amené à participer à des raids. Ces attaques soudaines et en nombre permettent d’obtenir des trésors et de la marchandise qui vont ensuite servir à ériger et à étendre la colonie. En fonction des actions effectuées, le clan se voit renforcé par de nouveaux bâtiments, services et possibilités. La colonie représente l’épicentre du clan et permet d’asseoir la réputation du groupe sur la région. À l’image de la série Vikings, les assauts de monastères, lieux de culte et de richesses, seront omniprésents. Ces invasions sont l’occasion de se mesurer aux guerriers saxons et de soigner, le cas échant, vos partenaires blessés. La mise en scène est plutôt maîtrisée, on ressent toute la violence des assauts, notamment lorsqu’Eivor sort sa corne pour lancer l’attaque alors que résonnent les cloches des monastères. L’ambiance est vraiment prenante et on imagine sans mal la peur qui devait s’emparer des pauvres villageois à l’époque. Si les habitants ont tendance à s’enfuir, il n’en demeure pas moins que les lieux finissent généralement à feu et à sang. De là à penser que les Vikings ne sont que des barbares sanguinaires ? Grossière erreur. Pour que la colonie prospère sur le sol anglais, Eivor et les siens ont la nécessité de fomenter des alliances. Valhalla, entre exploration, action et gestion, est une grande conquête de territoires dont l’approche roleplay apporte vraiment de la profondeur à l’expérience.
On s’amuse des innombrables références, qu’elles soient légendaires ou plus historiques, comme lorsque Sigurd s’en va rencontrer Ragnar Lothbrock et ses fils. Il est toutefois nécessaire d’interpeler les joueurs sur le fait que Valhalla prend des libertés historiques assez nombreuses – au même titre que la série Vikings d’ailleurs. C’est une société qui s’appuyait essentiellement sur l’esclavage mais il est vrai que ces païens venus du nord inspiraient une véritable crainte, comme si les chiens de l’enfer débarquaient sur une terre empreinte de christianisme pour détruire, piller et massacrer. C’est d’ailleurs le raid de Lindisfarne le 8 juin 793, le premier d’une longue série, qui va faire leur renommée. Assassin’s Creed Valhalla parvient à recréer ce contexte, les traits de ce peuple si mystérieux, que ce soit dans l’accoutrement, les armes ou encore les rites. Certains diront que la formule évolue peu, ce qui n’est pas faux, mais l’optimisation apportée à chacune des mécaniques préexistantes est considérable et passer à côté de cet épisode serait dommage tant il est immersif, bien réalisé et fort de personnages charismatiques.
VERDICT : BON
En marchant sur les traces des séries Vikings ou The Last Kingdom, Assassin’s Valhalla profite de l’intérêt actuel du public pour les récits des guerriers nordiques. On aurait pu craindre que les développeurs peinent à retranscrire le côté très mystérieux de ces hommes et femmes avides de pouvoir et de conquête mais le résultat est franchement convaincant. Eivor (jouée en personnage féminin en ce qui nous concerne) est un personnage qui devrait faire date dans l’histoire de la franchise et l’arrivée de la nouvelle génération de consoles permet de profiter, avec un confort absolu, des somptueux graphismes de cette aventure. Sans révolutionner la formule, Valhalla est un grand jeu qui ouvre de grandes portes vers des périodes passionnantes de notre Histoire. Assurément l’un des titres de cette fin d’année.
Points forts :
Ubi est passé maître dans la conception de mondes ouverts
Des paysages aussi énigmatiques que somptueux
La next-gen apporte un réel confort de fluidité
Le personnage d’Eivor
Marcher sur les traces des Vikings
Une ambiance fantastique
Une progression moins stéréotypée qu’auparavant
Le melting-pot du meilleur de la série
Des chargements imperceptibles sur next-gen
Points faibles :
Pas de révolution de gameplay
Un gap visuel léger sur next-gen
La collectionnite, créateur artificiel de durée de vie
Éditeur : Ubisoft – Développeur : Ubisoft Montréal – Genre : Action/Aventure – Date de sortie : 10 novembre 2020 – Plateformes : Xbox Series (X/S), Xbox One, PS4, PS5, PC, Stadia