Balan Wonderworld : la magie qui fait pschiiiit !

Chapeauté par Naoto Oshima et Yuji Naka, les papas de Sonic, Balan Wonderworld est un jeu de plate-formes calibré pour les enfants et prônant les mécaniques des années 1990. En misant sur cet univers onirique à la Nights into Dreams, l’éditeur Square-Enix a pris un risque dans le sens où les attentes du XXIème siècle, en matière de jeux vidéo, sont bien différentes de celles des décennies précédentes. Annoncé lors du Xbox Games Showcase 2020, le titre avait intrigué et beaucoup se demandaient si les créateurs du hérisson bleu de SEGA allaient avoir les épaules assez larges pour un tel projet. Pour éviter de tomber dans le piège du « C’était mieux avant », nous avons pris le temps de découvrir le jeu (d’où la date de l’article) en gardant à l’esprit les intentions des développeurs. Mérite-t-il cette avalanche de critiques assassines ? 


Dès son ouverture, on ne peut pas dire que Balan Wonderworld se moque du monde. Les cinématiques sont l’œuvre de Visual Works, le studio d’animation œuvrant pour Square-Enix et elles sont absolument somptueuses. Modélisation, couleurs, effets spéciaux… difficile de ne pas saluer le travail des artistes ayant travaillé sur ces séquences. Les plus anciens remarqueront d’ailleurs plusieurs clins d’œil aux productions de la Sonic Team, à commencer par le premier plan qui rappelle Nights ou encore la présence de deux personnages principaux : un garçon (Leo) et une fille (Emma). À l’image d’Elliot et Claris, le duo du célèbre jeu Saturn, les héros de ce nouveau titre n’ont pas des pensées super positives. En proie aux doutes, ils finissent par entrer dans un théâtre. À l’intérieur, un drôle de protagoniste, Balan, les téléporte dans un monde magique avec la ferme intention de leur redonner la pêche et la joie de vivre. Et c’est ainsi que l’on débarque dans un endroit étrange, où tout reste à découvrir. 


Trans-for-ma-tion !

Balan Wonderworld part d’une idée intéressante. Au cours de son périple, l’avatar récupère différentes tenues, ce qui lui confère des aptitudes inédites, lui permettant ainsi de progresser. Dans l’esprit, il y a un peu de Metroid en matière de progression et les métamorphoses sont plutôt bien fichues, bien que parfois très bizarres. On évolue ainsi dans des environnements colorés, très cartoonesques, dans l’espoir de récupérer des statues en or de ce bon vieux Balan. Il y a même des séquences spéciales de QTE, totalement téléguidées (et franchement peu intéressantes), qui permettent de récolter des gouttes (ces artefacts étant à Balan ce que sont les anneaux à Sonic). De temps à autre, au cours d’un niveau, on est même invité à participer à des mini-jeux (golf, baseball…). C’est très enfantin dans l’esprit, les graphismes sont jolis et la bande-son a fait l’objet d’un soin absolu. Les thèmes sont réussis, avec des voix et une grande variété d’instruments. Les boss ont également le mérite d’être imposants et plutôt inspirés. Une fois qu’un niveau est terminé, on retourne dans le hub où il est possible de poursuivre son périple mais aussi de nourrir de petites créatures – les Tims – en déposant, dans des champs de fleurs prévus à cet effet, les fameuses gouttes – de différentes couleurs – récoltés dans les niveaux. On est dans la même approche que pour les Nightopians de Nights into Dreams ou les Chaos de Sonic Adventure. Bref, dans son ensemble, le jeu est très généreux et les plus jeunes (surtout eux) prendront du plaisir à évoluer dans ces décors aux teintes chatoyantes. Et pourtant, malgré ses qualités, Balan Wonderworld est terrassé par une succession de décisions totalement incompréhensibles. 


La caducité à portée de pad

C’est terrible car on a le sentiment que l’équipe de développement s’est littéralement sabordée. Si l’on excepte les textures pauvres et le level design d’une platitude effarante, le titre de Oshima et Naka souffre dans la quasi-totalité de ses compartiments. Déjà, dès le départ, un détail fera tiquer n’importe quel joueur qui se respecte : pour revenir du menu OPTIONS vers l’écran-titre, on est obligé de se déplacer sur une case « RETOUR » pour enfin confirmer la chose. Toutes les touches classiques (Croix, rond, triangle, carré sur Play) valident l’action ! Une aberration ! Ensuite, dans le cœur du jeu, il y a un gros problème avec les costumes. Peu inspirés, peu intéressants pour la plupart, ils n’ont comme finalité qu’une cassure du rythme général. En dépit de quelques accoutrements vraiment bien fichus – notamment dans le monde aquatique – tout le reste n’a que peu d’intérêt. Du côté du gameplay, il y a aussi un choix des plus douteux : LES 4 BOUTONS ont exactement la même fonctionnalité ! En voulant rendre accessible son jeu, le studio s’est littéralement embourbé et, malheureusement, on s’ennuie. Les costumes, même s’il au nombre de 80, exploitent en réalité peu de variantes (saut, attaque, déplacement, etc.). Pire, pour pouvoir activer l’un de ses costumes, il faut, au préalable, récupérer une clé qui se trouve, généralement, à proximité et ça n’a strictement aucun sens ! Au final, on se retrouve avec un jeu plutôt propre visuellement – mais fade – entaché par un level design et des mécaniques totalement dépassés (mais genre de vingt, vingt-cinq ans). Les animations sont pauvres, la démarche du héros (ou de l’héroïne) est horripilante à souhait et on sent une certaine latence dans les commandes. Même si Balan Wonderworld s’inspire des précédentes productions de Yuji Naka et Naoto Oshima, il souffre en comparaison du punch d’un Nights, d’un Burning Rangers ou d’un Sonic Adventure. Indéniablement, il s’est passé quelque chose durant le développement, c’est comme si le cahier des charges était cousu d’idées et que ces dernières ont été implantées sans suivre un fil conducteur logique. Une espèce de projet tentaculaire, plein de bonnes intentions, qui se transforme en gigantesque fourre-tout instable. Quel dommage ! 


Même en essayant d’aller au-delà de ses tares, Balan Wonderworld est un crève-cœur pour n’importe quel fan de la grande époque de Naka et Oshima. Malgré quelques qualités, le jeu s’enfonce dans un tas de décisions totalement incompréhensibles qui alourdissent un gameplay daté et poussif. On pourrait croire que l’aventure, avec son côté naïf, est pleinement réservée à des enfants et qu’il est donc possible de se fourvoyer en se frottant à elle avec un esprit d’adulte. Mais mon gamin de six ans a eu les mêmes réactions que son paternel. Balan Wonderworld est un peu un Billy Hatcher and the Giang Egg (là aussi de Naka) qui se serait égaré en route (comprenez par-là que le titre Gamecube est supérieur). Il pourra charmer certains joueurs mais il va falloir être indulgent.

VERDICT : MOYEN


Points positifs :

Des cinématiques magnifiques
Certains niveaux sortent du lot
Direction artistique enfantine qui plaira à la cible
Quelques costumes inspirées (méduse, papillon de nuit…)
La bande-son réussie

Points négatifs :

Une avalanche de décisions incompréhensibles
Un gameplay décousu et haché
Trop de costumes-doublons
Une progression molle, sans génie
Aucune explication de l’histoire
Intérêt des clés ?
Un foutoir bancal et agaçant

Éditeur : Square-Enix / Développeur : Balan Company / Genre : Action, Plate-formes / Date de sortie : 26 mars 2021 / Nombre de joueurs : 1 / PEGI : 7 / Supports : PC, PlayStation 4, PlayStation 5, Xbox One, Xbox Series X/S, Nintendo Switch
Plus récente Plus ancienne