Né le 16 mai 1943, Hidekazu Yukawa est un nom qui résonne forcément auprès des fans de la Dreamcast. Figure emblématique de la console de SEGA, l’homme a laissé une trace indélébile dans l’inconscient collectif japonais. À la fois Directeur général de la firme, comédien et chanteur, il a multiplié les rôles pour essayer de faire de la Dreamcast un succès. Omniprésent dans les médias nippons à la fin des années 1990, il a ensuite rejoint le fabricant japonais d’ustensiles et d’appareils de cuisson Cuoca. Par sa bonhomie et son visage si chaleureux, Yukawa-San a laissé un souvenir ému à celles et ceux qui ont pu le côtoyer. L’occasion de lui rendre hommage dans un papier retraçant son étonnant parcours.
Hidekazu Yukawa nous a quittés en juin 2021, mais la nouvelle n’a été divulguée que très récemment. C’est en effet en cherchant à retrouver sa trace que l’un des journalistes du Shûkan Josei PRIME a appris cette disparition. Ce dernier a découvert que Yukawa était décédé d’une pneumonie (le Covid qui ne dit pas son nom ?) en interrogeant les habitants de son ancien quartier. Connu sous le pseudonyme de Mr. SEGA, il était en réalité lié au conglomérat CSK auquel appartenait SEGA. Très proche d’Isao Okawa, ses compétences multiples lui ont permis de briguer la direction de plusieurs entreprises du groupe, dont SEGA. Très familial dans son apparence (toujours le sourire, toujours beaucoup de gentillesse), il était très à l’aise devant les caméras et aimait jouer la comédie. Avant de revenir sur son passage médiatique, revenons rapidement sur la révélation entourant cette disparition.
La disparition de Yukawa, une révélation au détour d’une conversation
Le journaliste a rencontré des connaissances d’Hidekazu Yukawa et voilà ce qui est ressorti des conversations.
Il vivait dans un quartier résidentiel tranquille de Tokyo, mais j’ai entendu dire qu’il était hospitalisé depuis plusieurs années. Je ne connais pas les détails, mais je suis inquiet.
Il y a environ 14 ans, j’ai déménagé ici et j’ai construit ce manoir. M. Yukawa était un homme agréable, comme dans les publicités, et nous sommes parfois restés discuter. Un jour, il m’a demandé si je voulais dîner avec lui, mais j’étais impressionné. Il avait l’habitude de se promener souvent ici, mais je ne l’ai pas vu depuis environ trois ans maintenant.
En fait, Yukawa-San est décédé l’année dernière. La question de l’héritage a été réglée.
C’est donc au cours de cette dernière conversation que le journaliste a appris cette disparition. À partir de là, il s’est permis de contacter la veuve de M. Yukawa. Elle a répondu aux questions, mais elle a indiqué qu’elle donnerait plus de détails plus tard. C’est alors que ce même journaliste a reçu un appel d’une personne ayant travaillée pour Mr. Yukawa :
Il est décédé d’une pneumonie en juin de l’année dernière. Il n’était pas en bonne santé depuis quelques années, donc je pense que sa famille s’était préparée à sa disparition.
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Un passage inoubliable chez SEGA
Hidekazu Yukawa est forcément un visage qui rappellera des souvenirs au public japonais. En 1998, il s’est en effet illustré à plusieurs reprises dans les médias nippons pour mettre en avant la nouvelle console de SEGA : la Dreamcast. Voulant surfer sur le succès d’Hiroshi Fujioka, le fameux Segata Sanshiro de la Saturn, l’entreprise a cherché quelqu’un qui pourrait prendre ce rôle pour la dernière-née des labos de la R&D. Et pour éviter d’alourdir encore plus la trésorerie, SEGA a privilégié une solution interne. L’équipe en charge de la communication a d’abord pensé au président Shoichiro Irimajiri, mais l’emploi du temps de l’homme était totalement incompatible avec une telle fonction. C’est finalement en lançant plusieurs pistes de réflexion qu’ils ont pensé à Hidekazu Yukawa.
Diplômé de la faculté d’économie de l’université Momoyama Gakuin (aussi connue sous le nom Saint Andrew’s University) à Osaka, il rencontre Isao Okawa en 1968. À l’époque, Okawa dirige une compagnie d’informatique appelée Computer Service qui deviendra CSK Holdings Corporation quelques mois après. Yukawa va ainsi évoluer sous la houlette d’Okawa et prendra la direction générale de plusieurs entreprises du conglomérat, dont SEGA. À l’aise avec les caméras, il va apparaître pour la première fois à l’écran via quelques publicités comme le Robopitcher et le TV Oeaki de la SG-1000 et SEGA Mark III.
En 1998, c’est donc à quelques encablures de la sortie japonaise de la Dreamcast qu’il accepte de prendre le rôle de « communicant » pour la console. Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il va mettre le paquet en prêtant son visage aux premiers packagings, à la démo What’s Shenmue, à des mini-jeux de Sonic Adventure et s’illustrer dans 8 publicités décalées et hilarantes dans laquelle il se tourne en autodérision. Ce qui est fort avec Yukawa, c’est qu’il avait cette propension à se foutre de lui tout en étant capable d’être très sérieux comme lorsque SEGA s’est retrouvée en pleine pénurie de composants, en particulier de puces Power VR. On l’a ainsi vu s’excuser publiquement au nom de SEGA.
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Yukawa a été interviewé plusieurs fois par les médias japonais. Voici quelques passages :
« En ce moment, je tourne des publicités et je sens que les gens réagissent. Des personnes qui n’ont jusqu’à présent jamais manifesté un quelconque intérêt pour SEGA ou qui n’ont jamais touché à un jeu vidéo ont changé leur opinion : « Elle est drôle cette pub ! C’est quoi comme marque ? » C’est avec ce genre de réactions que je ressens l’intérêt de la population. »
« SEGA place son destin dans la Dreamcast. C’est pourquoi le nom Dreamcast, notamment dans les pubs, est mis en avant sans que la marque SEGA ne soit mentionnée. C’est un produit que SEGA sort avec beaucoup de confiance. […] On veut montrer que SEGA peut être une compagnie encore plus amusante qu’un simple constructeur de jeux d’arcade (vision que le public japonais a de l’entreprise). On aimerait que les gens pensent que l’image de SEGA, qui a fait la Dreamcast, a un peu changé. »
« Cette fois-ci, en lien avec la publicité, on va aussi mettre en vente mon CD. Le titre est également « Dreamcast », avec un tempo rapide faisant référence aux Idols. J’ai chanté cette chanson, mais je ne pourrais le faire deux fois (Rires). »
Souvenirs de collègues
Plusieurs personnes ayant pu travailler avec Yukawa se souviennent d’une personne fort agréable.
Toshihiro Nagoshi : « Nous nous rencontrions occasionnellement lors de réunions. Il était dynamique et joyeux. C’était un homme festif, aimé par ses subordonnés et apprécié par les directions. La dernière fois que je l’ai vu, c’était trois ou quatre ans après qu’il ait quitté SEGA. Nous sommes allés boire un verre et il semblait en bonne santé.»
Koichi Hamamura (ancien rédac’chef de Famitsu) : « À l’époque, j’étais souvent en contact avec lui. C’était une personne à l’ancienne, juste et compatissante, et nous allions souvent boire un verre. Après avoir quitté SEGA, il est allé travailler pour Cuoca. Je pense que la dernière fois que je l’ai vu, c’était il y a plus de 15 ans, lorsque nous nous sommes vus pour discuter d’un cadeau de lecteur pour Famitsu.»
Naoki Aoki (ancien employé de SEGA) : « C’était un homme qui était spontané. Il disait souvent : « Je suis à Roppongi, viens prendre un verre avec moi ! »
Si l’on en croit certains témoignages, Hidekazu Yukawa aimait la fête et la vie nocturne, mais c’était surtout une personne très appréciée et qui a fait beaucoup de bien à l’image de SEGA durant la période Dreamcast. Ce sens de l’autodérision, ce sourire… beaucoup qui se fichaient du jeu vidéo aimaient ces publicités.
D’ailleurs, pour terminer cet hommage, quoi de mieux que de découvrir les publicités.
Reposez en paix Yukawa-San.