Que l’on ne s’y trompe pas.
Malgré l’ambition mesurée d’Assassin’s Creed Mirage, cet épisode inédit est le
fruit de plus de 250 personnes qui ont œuvré pendant plusieurs années en
s’appuyant sur des recherches historiques extrêmement poussées. Dans le jeu
d’Ubisoft Bordeaux, l’intrigue s’intéresse au destin de Basim, un jeune voleur
de la rue qui est enrôlé dans la confrérie des assassins après avoir commis
l’irréparable. D’un tempérament arrogant et naïf, il va peu à peu se fondre
dans la foule avec la mission d’anéantir tous les membres de l’Ordre qui se
terrent dans Bagdad. La quasi intégralité de l’aventure, à l’exception de quelques
phases, se déroule essentiellement dans la cité du Moyen-Orient. Sur le papier,
cela pourrait être un défaut, mais on s’aperçoit rapidement que c’est tout sauf
un problème.
Bagdad Café
Dans Assassin’s Creed Mirage,
Bagdad est un personnage à elle seule. Raphael Weyland, historien chez Ubisoft,
a accordé une interview à Gamerant où il donne les clés de cette immersion dans
la Capitale de l’Empire califal du IXème siècle. L’un des efforts de l’équipe a été de rendre
cette mégalopole aussi cosmopolite qu’elle ne l’était à l’époque. Aussi,
lorsqu’on se balade en ville, on peut entendre plusieurs langues (arabe bien
sûr, mais aussi chinois, persan, hébreu…) et cette modernité fait écho à notre
monde qui s’est pratiquement affranchi des frontières. Réaliser tous les
doublages a demandé du temps, mais c’est ce qui fait que l’excursion, au cœur
de cette Bagdad virtuelle, est étonnante. En parallèle, un nombre incalculable
de recherches ont été effectuées pour reproduire au mieux le comportement et
les coutumes de la population. C’est ce qui explique le non-port du voile chez
certaines femmes (et pour cause, la ville mariait plusieurs origines, donc
plusieurs religions), les animations soignées des gens qui vaquent à leurs
occupations ou les travaux architecturaux totalement bluffants. En bref, on s’y
croit et on passe (en tout cas, pour ma part) un temps fou à simplement flâner
dans les rues pour profiter de toute cette atmosphère. Franchement, c’est un
régal ! Il ne reste plus qu’à espérer qu’un mode Discovery Tour (comme pour
Origins, Odyssey et Valhalla) fasse son apparition prochainement.
AC de fioritures
Fonctionnant comme un jeu
d’enquête avec des missions qu’on active aux quatre coins de la carte, Assassin’s
Creed Mirage est une aventure qui se picore à condition de profiter de
l’ensemble des éléments proposés par les développeurs. Basim aime la grimpette et on prend du plaisir à repérer les va-et-vient des soldats, à analyser
le décor (comme une corde servant de tyrolienne et allant jusqu’à une fenêtre à
proximité de la zone d’une mission) et à détourner l’attention des gardes en
faisant tomber un échafaudage par exemple. Bien que l’histoire se concentre sur
Bagdad, la furtivité est mise au service du joueur dans les grandes largeurs et
apprendre à jouer avec l’environnement apporte une certaine satisfaction. Une
amphore explosive d’un côté, une affiche de recherche à arracher de l’autre… la
formule de Mirage ne révolutionne rien de ce que l’on connaît, mais c’est
toujours grisant de parvenir à réussir un objectif dans un endroit solidement
gardé. Mirage a beau proposer un système de combat, il est volontairement
punitif pour que les joueurs reviennent à l’infiltration et c’est vraiment le
sel de cet épisode.
Assassin’s Creed Mirage revient
aux sources et si cette approche, un brin linéaire, pourra gêner certaines
personnes, je trouve personnellement que ça fait du bien de revenir à ce type
de monde ouvert. Bagdad est grande, mais ne donne pas dans l’immensité et on
n’a pas le sentiment d’être noyé dans un flot de missions rébarbatives et de
quêtes annexes poussives (même si, dans le lot, y a quelques objectifs vraiment
faits pour augmenter artificiellement la durée de vie). On revient à un jeu à
taille « humaine » qui conviendra parfaitement à celles et ceux qui
n’ont pas le temps nécessaire pour passer une centaine d’heures sur un jeu
vidéo. Et de nos jours, on le sait, c’est le cas de très nombreuses personnes,
pourtant fans du média.
Comme le dit Simon Arsenault,
directeur mondial, à Game Reactor, le but de Mirage était de revenir au
sentiment de détective en poussant l’utilisateur à pister sa cible. Et
pour réussir une mission, surtout dans un lieu ultra-gardé, il faut passer par
une phase de repérage avec l’aigle Enkidou, puis se poser dans une zone pour
analyser le comportement des troupes ennemies. Il est même possible d’obtenir
l’aide de rebelles, mais à condition de leur donner quelque chose en échange
(ce qui oblige à suivre d’autres objectifs pour récupérer des jetons comme
monnaie d’échange pour le service rendu). Pour le reste, on retrouve tout ce
qui fait le charme de la série, avec ses sauts de la Foi, ses vols de bourses,
ses charrettes, ses bancs et autres caches secrètes, ses portes barricadées,
ses objets interactifs (une poulie à briser pour faire tomber quelque chose,
des rondins de bois à faire dégringoler…), ses assassinats furtifs (les
animations contextuelles ont la bonne idée d’attraper la cible pour l’éloigner
de la vue des autres soldats) et, bien évidemment, son système de détection
hérité de Metal Gear Solid. Une fois détecté, il faut se précipiter sur le
garde qui fuit pour sauver la cloche, l’adrénaline monte alors d’un cran,
surtout lorsqu’on se trouve au beau milieu d’une forteresse ou d’un palais
truffés de soldats.
Je m’appelle Bagdad
En plus de ce qui a été dit
plus haut, le jeu affiche de très beaux graphismes. On peut en profiter en
qualité 4K avec une animation en 30 images par seconde ou opter pour un maximum
de fluidité. À l’image des précédents épisodes, Mirage est une œuvre qui flatte
la rétine grâce à un monticule de petites attentions. Cela va des pas du
chameau (ou du cheval puisqu’on peut aussi monter à cheval) dans le sable aux flamants
roses qui s’envolent au-dessus du fleuve en passant par les somptueux effets de
lumière qui lèchent les parois des bâtiments lorsque le soleil vient à se
coucher. Si toutes les textures ne sont pas fines et détaillées, on ressent
l’amour du travail bien fait. Chaque quartier présente ses spécificités, tous
les badauds ne sont pas de vagues copiés-collés et les zones autour de Bagdad,
même désertiques, attisent l’intérêt. Tout n'est pas impeccable pour autant et
je me devais de glisser une petite liste de défauts pour éviter qu’on me dise
que j’ai vu un Mirage en découvrant cet Assassin’s Creed.
La mise en scène, lors des
dialogues entre personnages, aurait pu être plus rythmée. La construction du
jeu, au format enquête, fait qu’on enchaine les missions sans avoir à se mettre
sous la dent un scénario solide et les différentes cutscenes ont du mal à
masquer la faiblesse globale de la narration. On peut aussi regretter des
animations qui manquent parfois de souplesse. Basim semble un peu lourd alors
qu’il n’est pourtant pas bien vieux et cela peut poser problème face à des
soldats, pas très fûtés certes (l’IA n’est pas un modèle du genre), qui tentent
de vous encercler. Pour le reste, à l’exception de quelques bugs, c’est surtout
la structure du jeu qui fera que vous accrocherez ou pas. En ce qui me
concerne, Mirage est l’un de mes épisodes préférés et si vous craquez pour ce
jeu, prenez le temps de suivre les quêtes secrètes. Elles sont de longue
haleine et réservent de belles surprises.