La création d'Hydro Thunder : interview et documents exclusifs ! (bonus Hydro Thunder 2)

Les personnes qui suivent mon actualité ont sans doute remarqué que j’aime parler des jeux que l’on retrouvait, généralement, dans les dernières pages des magazines de jeux vidéo. C’est ainsi, j’ai de la sympathie pour ces titres qui finissent injustement dans les bas-fonds des mémoires alors qu’ils ne manquent pas de qualités. Parmi ces œuvres mésestimées, j’ai toujours pensé que le jeu de course Hydro Thunder aurait mérité un autre accueil, même si je reconnais sans mal que l’époque était celle des jeux solos avec une forte narration. Sorti en février 1999 puis adapté sur plusieurs supports (Dreamcast, Nintendo 64 et PlayStation), il était vraiment excellent et distillait une ambiance assez géniale avec ses décors spectaculaires, ses sauts vertigineux et son impression de vitesse plutôt bien rendue. Pendant longtemps, j’ai cherché à en savoir plus sur la genèse du jeu et j’ai eu la chance, il y a quelques mois, d’entrer en contact avec Eric Browning. Lead designer sur le jeu, il m’a fait le cadeau de répondre à une longue interview, tout en proposant des documents de développement totalement exclusifs ! En vous souhaitant une bonne lecture, je tenais à le remercier une nouvelle fois pour son incroyable accessibilité.



Pouvez-vous nous expliquer comment est né le projet Hydro Thunder ? Midway a toujours été un éditeur qui aimait varier ses jeux, mais qu'est-ce qui vous a poussé à créer un jeu de course de bateaux ? S'agissait-il d'une envie personnelle ou d'une inspiration provenant d'autres jeux, comme Hydra sur Lynx ou Rapid Racer sur PlayStation ?

Le concept du jeu est une idée de Steve Ranck, qui passait ses vacances au bord du lac Powell (Note : un impressionnant lac artificiel se trouvant sur le fleuve Colorado entre l’Utah et l’Arizona) et admirait les eaux calmes et reposantes, et qui s'est dit qu'il serait extraordinaire de les parcourir avec un hors-bord. Dès le départ, il voulait une manette des gaz comme dans un bateau à moteur.

Le jeu s’appelait Hydro Thunder dès le départ ?

En vérité, le nom de code du jeu, c’était Superboat Fury. Au départ, nous avions pensé à Thunder Boats, mais il y avait un jeu portant ce nom. Au final, la commission juridique a fait marche arrière. (Note : ce que l'on comprend, c'est qu'ils voulaient utiliser initialement le nom Thunder Boats, mais le problème de droits les en a empêché, avant qu'ils ne découvrent qu'ils auraient finalement pu exploiter ce nom)


Comment avez-vous équilibré le jeu ? Avez-vous participé à des courses de bateaux ou à des démonstrations de ce type de véhicule ?

Nous avons travaillé sur la sensation de course dès le début, en veillant à ce que vous ayez toujours l'impression d'être en mouvement, en gardant les pistes serrées comme dans la guerre de tranchées dans Star Wars.

Boost et sauts (Hydro Jump...) sont indispensables pour terminer premier dans les courses les plus difficiles. Comment vous est venue l'idée de ce système ?

Encore une fois, Steve avait cela en tête dès le départ. En revanche, ce qu'il n'avait pas, c'était la manière de faire ressentir la puissance de la carlingue. C’est finalement venu d’un mauvais réglage de la physique, la valeur était trop élevée et il a heurté un bateau qui a été projeté hors du circuit. Il en fait un élément central du gameplay.



Que pouvez-vous nous dire sur la physique de l'eau ? Avez-vous développé des outils pour rendre les surfaces d'eau réalistes ?

Nous avons créé une partie du circuit Ship Graveyard en mettant un vieux sous-marin et un hors-bord à côté. C’est ce qui nous a permis de passer à l’action. (Note : la physique de l’eau était sans doute plus prononcée avec le sous-marin ce qui a leur a donné une direction à suivre pour l’élaboration des étendues d’eau).

Comment avez-vous conçu les pistes ? Les avez-vous conçues comme des pistes de course classiques et y avez-vous ajouté de l'eau, ou avez-vous eu une autre façon de procéder ?

Nous avons commencé par faire des croquis sur papier avec l’idée de reproduire un parc d’attractions dans le style de Disney, avec une narration très graphique. Une fois le moteur de jeu en place, nous avons tracé les pistes que l’on a ensuite fait évoluer sans arrêt. Il y a eu beaucoup de modifications au cours du développement. Comme il s’agissait d’un jeu d’arcade, il était indispensable que le jeu soit amusant dès le départ, sous peine de voir les gens lui tourner le dos.


Parlons de la direction artistique. Les bateaux sont incroyablement élégants, ils sont superbes ! Vous êtes-vous inspiré de véritables bateaux de course ou avez-vous fait preuve d'imagination pour leur donner un aspect futuriste ? Certains ressemblent à des soucoupes volantes.

Nous nous sommes d’abord basés sur différentes catégories de bateaux existants : bateaux tunnels, bateau à moteur côtiers, hydroplanes, etc. Ensuite, nous avons ajouté des modèles plus funs comme Rad Hazard, la soucoupe volante. L’idée de Tiny Tanic (Note : un Titanic version miniature) est née parce que nous avions récemment visité le plateau de tournage du film Titanic de James Cameron. Il était en cours de tournage à l’époque et la mère de Steve connaissait James Cameron depuis ses débuts où il peinait à s’imposer. Nous avons obtenu l’autorisation de visiter le plateau de tournage – une expérience incroyable – et nous avons donc ajouté le Titanic en guise d’easter egg.


Pouvez-vous nous parler des thèmes graphiques ? Chaque course nous fait voyager dans des environnements somptueux : la jungle et son volcan majestueux, l'Arctique et sa banquise, un New York dévasté, la Chine ou la Grèce antique, etc.

Comme dans tous les jeux, nous avions besoin que chaque zone se distingue des autres - chaque piste devait valoir la peine de mettre des pièces dans la machine pour y accéder. Nous aimions aussi les films catastrophes et les films d'aventure, et puis il y avait juste le fantasme de se dire… « Et si on pouvait faire la course dans ce type d’endroit ? »


Vous êtes-vous inspiré de jeux comme Mario Kart pour créer les raccourcis ? Dans les niveaux les plus difficiles, il faut passer par ces raccourcis pour atteindre les meilleurs endroits, et certains d'entre eux sont vraiment bien cachés (il faut casser des barrières, par exemple).

Absolument.

Le Nil est la piste la plus longue et celle où il se passe le plus de choses. Y a-t-il une raison particulière à cela ? On a l'impression d'être dans un film catastrophe, un peu comme New York Disaster.

Oui, nous avons mélangé des éléments d’Indiana Jones et d’Armageddon. Je pense que le circuit du Nil, c’est un peu comme le boss final. En ce sens, nous avons inclus dans ce circuit tout ce qu’on pouvait y mettre.


Pouvez-vous nous parler des différentes adaptations ? Quelle que soit la plate-forme, je pense que les conversions sont excellentes, et j'ai personnellement passé beaucoup de temps sur la version Dreamcast d'Eurocom. Elle est vraiment impressionnante et très proche de la version arcade. Le jeu a d'ailleurs été sélectionné pour la liste Sega All Stars aux États-Unis, une collection distribuée à bas prix.

Les portages du jeu était un peu frustrants pour nous car ils ne nous ont pas été confiés. Par contre, la version Dreamcast était la meilleure de toutes, c’est certain.

Hydro Thunder est un jeu difficile, et il faut vraiment réussir sa course pour atteindre les courses finales. Était-ce une intention lors du développement ?

Oui, nous voulions que le jeu monte en puissance et récompense les joueurs qui voulaient vraiment relever le défi, tout en restant accessible aux "grands-mères" - c'est pourquoi les circuits pour débutants ne sont pas difficiles. En fait, le jeu se joue presque tout seul sur ces pistes : il suffit d'appuyer sur l'accélérateur et de laisser la physique faire le reste.


Il semblerait qu'une suite était prévue ? Pouvez-vous le confirmer et nous en parler ? Ou n'était-ce qu'une rumeur ?

Oui, nous travaillions sur Hydro Thunder 2, mais Midway l'a annulé lorsque Steve est parti créer sa propre société.

Une question amusante. Un de mes collègues, qui travaille à la préservation des jeux Dreamcast et de leur histoire, est tombé sur des données étranges. En fouillant dans les fichiers du jeu, il est tombé sur la phrase "James Cameron Rules Fuck You", une sorte de nom de code interne. Et selon lui, en analysant les données de la version arcade, il n'y a que le terme "James Cameron Rules". Le saviez-vous ? C'est très drôle.

Steve et moi nous sommes rencontrés parce que je passais la bande originale d’Aliens dans mon bureau, son film préféré. Nous nous sommes rapprochés parce que nous partagions le même amour des films de Cameron. Il faudra que je demande à Steve qui a mis cette phrase, je ne m'en souviens pas.

Avec le recul, quels sont les souvenirs que vous gardez de votre expérience à Hydro Thunder ?

Je suis allé à Disneyworld juste après le lancement et j'ai trouvé toute une rangée de machines Hydro Thunder flambant neuves dans la salle d'arcade de Pizza Planet. J'ai été époustouflé - le gars qui y travaillait m'a demandé un autographe. Je savais que nous avions réussi, c'était incroyable.


BONUS

L'un des croquis provient de l'illustration de la coque, l'autre est un concept pour la « Hendershack », qui a été nommée d'après Dale Hendersheid, un artiste 3D sur le projet. Si vous vous approchez de la Hendershack (cimetière de bateaux), vous pouvez entendre en boucle une émission télévisée des années 70, « Sanford and Sons », qui raconte l'histoire d'un père et de son fils dans une entreprise de démolition. Nous avions inventé toute une réalité alternative pour Dale et décidé que c'était sa vie. Nous avions aussi le tableau de la tête de Dale - notre grand tableau effaçable où nous dessinions des images de la tête de Dale.




HYDRO THUNDER 2 (abandonné)





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