Avec la Dreamcast, la Saturn est ma console préférée. Dès les premières informations dans les magazines, j'étais comme un fou. Je salivais à l'idée de retrouver les licences majeures de SEGA dans des versions exploitant la puissance du support CD. Cette excitation est montée d'un cran lorsque les journalistes ont fait état d'une machine capable d'afficher de la 2D, mais aussi de la 3D. Au moment de découvrir le design et la manette de la Saturn, je ne tenais plus en face. Il me fallait cette console !
À l'époque, j'avais la Super Nintendo et j'ai dû prendre mon mal en patience pour me procurer le pack à 990 francs avec SEGA Rally et Worldwide Soccer 97. Cet achat fut tardif, mais en réalité, j'ai eu accès assez régulier à la console car il y avait des personnes qui l'avaient acheté dans mon entourage, d'abord en version japonaise et ensuite en version européenne. Lorsque la Saturn est devenue mienne, ce fut une révélation. Je ne compte plus le nombre de visionnages de l'intro de Worldwide Soccer 97, sans parler des parties endiablées avec mon cousin à SEGA Rally. On maîtrisait tellement ce jeu à l'époque que seuls quelques centièmes de seconde pouvaient nous départager, ce qui faisait des courses très disputées. Je n'ai pas attendu longtemps avant de me procurer un ST-KEY, une cartouche qui permettait de faire sauter la régionalité des jeux. On m'a ainsi prêté des jeux japonais et j'ai découvert un nouveau monde.
Depuis cette époque, le temps a passé, je suis devenu auteur/rédacteur dans le jeu vidéo et j'ai pu rendre hommage comme il se doit à cette machine qui m'a tant fait rêver. Au fil des années, j'ai multiplié les interviews avec des développeurs ayant travaillé sur Saturn et ce fut un immense privilège d'accorder à la Saturn une place de choix dans Génération SEGA Vol. 2 publié aux Éditions Omaké Books. La bougresse est revenue de loin, mais elle a finalement pu écrire sa propre légende comme le montrent les nombreux témoignages de fans ému(e)s sur la toile. À l'occasion, j'ai aussi participé à cet hommage en proposant un déroulé d'anecdotes que j'alimente durant toute cette journée. Il est à retrouver dès maintenant sur Bluesky à cette adresse.
Pour terminer ce papier, voici quelques extraits d'interviews et du bouquin qui donnent une idée des coulisses de la création de la SEGA Saturn. Enjoy !
« Le souci, c’est que lorsque j’ai conçu l’architecture de notre console, je me suis concentré sur les graphismes à base de sprites qui étaient les graphismes 2D standard sur consoles. J’ai donc décidé d’opter pour des polygones – en suivant le modèle de la PlayStation. Cependant, chez SEGA, personne ne savait comment développer un tel logiciel. Bien sûr, nous avions Yu Suzuki dans le département arcade, mais je ne pouvais pas simplement le traîner jusqu’au département consoles. Il s’est avéré que l’expertise de tous nos développeurs reposait sur la réalisation de graphismes à base de sprites, en 2D. Je n’ai donc pas eu d’autre choix que d’aller dans cette direction. »
Hideki Sato, ingénieur en chef de SEGA
« Malgré ses faiblesses intrinsèques en matière de 3D, la Saturn est capable de belles choses en faisant certains compromis. Pour concevoir de la 3D, elle détord des images qui sont en pleine couleur pour en faire des quadrilatères. C’est un peu curieux, mais ça permet d’avoir des jeux qui sont vraiment pleins de couleurs. Au contraire de la PlayStation où les fonds étaient souvent limités à 256 couleurs, la Saturn est en 32 000 couleurs. Donc concrètement, les modèles 3D disposent de moins de faces, mais sont beaucoup plus colorés – et notamment les décors de fond qui n’ont absolument rien à voir en termes d’animations ou de qualités artistiques intrinsèques. »
Philippe Dubois, Président de l'association MO5
« Nous étions en train de finaliser notre console lorsque Sony a révélé la PlayStation. Ils disaient qu’elle était capable d’afficher 300 000 polygones. Finalement, ce n’était qu’un tas de mensonges, mais quand on comparait la Saturn à la PlayStation, il nous manquait clairement quelque chose. La solution que j’ai choisie a été d’ajouter un second processeur SH, si bien que nous nous sommes retrouvés avec deux SH-2. (…) Malgré cela, j’ai senti que l’impact était faible. Comme le SH-2 est un processeur 32-bits, nous avons décidé de parler de la Saturn comme une machine 64-bits, car nous avions deux processeurs ! C’était une façon déguisée d’arriver à 64-bits, mais c’est l’option que nous avons utilisée pour vendre la machine.»
Hideki Sato, ingénieur en chef de SEGA