Auto Modellista : Quand Capcom s'essayait au jeu de course

Que vient foutre Capcom dans un jeu de course ? C’est la question que je me suis posée au début des années 2000 quand j’ai vu les premières brèves concernant le développement d’un racing game dans les locaux des créateurs de Street Fighter, Mega Man ou encore Onimusha. Profitant de la sortie de la PlayStation 2, Squaresoft avait tenté, lui aussi, de manger une part de ce gâteau, mais l’éditeur s’était pris un mur avec Driving Emotion Type-S et beaucoup avait estimé que certains développeurs n’avaient rien à faire dans le monde de la course automobile sur consoles. Et puis, les premières photos d’Auto Modellista sont arrivées et là… on a tous écarquillé les yeux.

 


Débarqué en premier lieu sur PlayStation 2, le brave Auto Modellista ne porte pas ce nom-là par hasard. L’idée derrière ce titre, qui fait la part belle aux modélisations soignées des véhicules, c’est de proposer un jeu de bagnoles, à dominante arcade, qui mise sur un procédé graphique qui change la donne : le cel-shading. Cette représentation visuelle, démocratisée par Jet Set Radio sur Dreamcast, a ensuite été exploitée jusqu’à l’écœurement par les autres éditeurs. Capcom, conscient du problème, a décidé de l’utiliser dans un genre peu commun : le jeu de course. Un peu à la manière de Cel Damage ou de titres comme Les Fous du Volant ou Looney Tunes Space Race, mais dans un jeu qui se rapproche plus de Gran Turismo.

 

Une i-D « Initial »

 

Mais qu’est-ce qui a piqué Capcom pour se lancer dans un tel challenge ? Il y a plusieurs raisons à cela, comme le souligne le producteur Yoshihiro Sudo à Eurogamer : « Des personnes de la R&D ont déjà proposé des jeux de course par le passé, mais ces idées n’ont jamais été approuvées. Avec Auto Modellista, nous avons utilisé le procédé de cel-shading qui a convaincu la direction. L’aspect en ligne a également un rôle important dans l’approbation du conseil d’administration. » L'intéressé avoue également que l'échec relatif de Ridge Racer V (jeu de lancement de la PS2 qui a déçu pas mal de monde) a été un déclic.




Au moment de choisir la représentation graphique du jeu, Yoshihiro Sudo a réfléchi à une approche originale avec son équipe et c’est finalement un manga bien connu des amateurs de bandes-dessinées japonaises qui va être le déclic. Chez nos confrères d’IGN, il confie : « La plupart des jeux existants avaient des graphismes réalistes. Lorsque j’ai pensé à un nouveau jeu de course pour Capcom, j’ai voulu créer un style visuel qui prenne la direction opposée à ce réalisme. Alors que nous faisions différents tests pour animer des voitures en dessin animé, je me suis mis à lire le manga Initial D comme source de référence. Je trouve cette BD très intéressante dans le sens où s’agit d’un drame humain basé sur le monde de l’automobile. J’ai d’ailleurs aussi aimé Bari-Bari Densetsu du même auteur. »



Pour les personnes qui ne connaissent pas Initial-D, il suffit de lire le manga ou de voir la série animée et les films d’animation pour comprendre d’où provient l’inspiration visuelle d’Auto Modellista. Œuvre imaginée et créée par Shuichi Shigeno, elle raconte l’ascension du jeune Takumi Fujiwara, jeune lycéen qui a appris à piloter en livrant du tofu. Connaissant la région et ses tracés comme sa poche, il va alors développer une technique de dérapage incroyable et gravir les échelons dans le monde des courses illégales et du drift. Pour mener à bien le projet Auto Modellista, qui est un hommage à l’Italie (cela signifie designer automobile), fief incontournable de l’automobile, Capcom s’est entouré de passionnés de course, à commencer par Yoshihiro Sudo qui connait bien l’univers du drift pour avoir piloter sur les célèbres routes montagneuses du Japon.


Régime sans cel

 

Et le jeu au final, il vaut quoi dans tout ça ? Alors déjà, je viens de l’apprendre, mais le gameplay est bien plus agréable sur les versions PS2 japonaises et européennes que sur n’importe quelle autre version. Pour une raison qui m’échappe, Capcom a modifié le gameplay de la mouture U.S Tuned qui est sortie sur Gamecube et Xbox et le contrôle est vraiment différent. Pour en avoir le cœur net, j’ai testé plusieurs versions et il n’y a pas photo, le monolithe de Sony l’emporte largement à mon sens, même si c’est une question de feeling.

 


Pour le reste, Auto Modellista aurait pu être un jeu générique s’il n’avait pas ce graphisme en cel-shading, mais cette atmosphère cartoon (les effets de vitesse, de lumière, ça claque) fait qu’on accroche assez vite, d’autant que les tracés sont plutôt variés (routes sinueuses de montagne, Tokyo by night, circuits authentiques comme Suzuka…). En fait, dans l’esprit, on retrouve du Tokyo Highway et c’est franchement sympa, même si ça manque un tantinet de nervosité. Pour progresser, un petit tour au garage permet de paramétrer et de modifier son bolide et il existe même une option Easy Tune-Up pour les novices pour optimiser son véhicule de façon simplifiée, en privilégiant l’accélération, la vitesse, le drift, le grip, etc. Même si on en fait très vite le tour et que le mode en ligne était tristement absent des moutures européennes, c'est un jeu qui mérite le coup d'œil, à la fois pour le pari qu'il représentait, mais aussi pour son approche visuelle vraiment fun.

 


À l’époque du développement d’Auto Modellista, Capcom travaillait également sur le jeu Jojo’s Bizarre Adventure qui reprenait peu ou prou la même représentation visuelle. Les deux équipes ont ainsi pu partager leurs tuyaux. D’ailleurs, je laisse la parole à Mr. Sudo, interviewé sur Eurogamer, et j’y retourne : « Nous n'essayons pas de voler les joueurs de Ridge Racer et Gran Turismo, mais nous pensons que ceux qui jouent à ces deux jeux voudront peut-être essayer Auto Modellista. Le jeu est à mi-chemin entre l'arcade et la simulation, et offre beaucoup aux fans de voitures et à ceux qui sont simplement intéressés par le style graphique. Avec Auto Modellista, nous avons laissé les artistes créer un style très particulier au lieu de les limiter. Les voitures d'Auto Modellista sont celles de la vie réelle, mais nous avons mis l'accent sur les éléments que vous voyez, de sorte que les voitures ressemblent à celles dont vous vous souvenez dans la vie réelle. »                                                                                                                                                                                                                                                                                             


Sources : IGN / Eurogamer                                                                                                                                                                

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