Le 10 mars 1995, Panzer Dragoon sortait au Japon avec la ferme intention de booster les ventes de la Saturn après un démarrage un peu timide. En effet, à l'exception de Virtua Fighter, la console manquait d'un jeu capable de lui donner un rythme de croisière. Un sacré pari pour une équipe de jeunes développeurs près à tout pour offrir un titre d'exception aux joueurs. Si Panzer Dragoon résonne en moi pour la nostalgie qu'il procure, il est aussi un titre important dans ma carrière d'auteur/rédacteur. J'ai moi-même du mal à le croire, mais mon gros dossier sur les coulisses du jeu que j'ai réalisé dans Pix'n Love n°19 remonte à 2012. C'est même celui qui avait été choisi comme couverture avec une illustration sublime du talentueux M.Orioto. Ce numéro a une signification particulière car ma fille apparaît dans les Baby Retro Gamers.
À l'époque, j'avais eu la chance d'être secondé par Ben, mon collègue de Pix'n Love, qui avait gentiment traduit l'interview que Yukio Futatsugi, le réalisateur du jeu, avait accepté. Je me souviens, il s'agissait d'un mail entièrement en japonais avec plusieurs questions et on en avait profité pour poser des questions sur des thèmes non abordés dans de précédentes interviews. Évidemment, avec les années qui ont passé, de nouveaux dossiers ont vu le jour et il y a eu depuis de multiples révélations. Néanmoins, pour fêter ce trentième anniversaire comme il se doit, j'ai décidé de refaire ce premier épisode et de vous livrer une panoplie d'anecdotes gravitant autour du jeu.
Il y a quelques années de ça alors, que je feuilletais la presse jeu vidéo, je suis tombé sur un article de Player One de mars 94. Dans ce numéro, on pouvait y lire un compte-rendu d'un salon consacré à l'imagerie de synthèse à Monaco. SEGA avait envoyé un représentant sur place et une séquence préliminaire de ce qui deviendra Panzer Dragoon avait été diffusée. Ce qui m'a amusé, c'est que j'ai posté la photo sur Facebook. L'artiste Kentaro Yoshida a vu le cliché et il a tagué ses anciens collègues en expliquant qu'il s'agissait d'un rendu sur Silicon Graphics.
Panzer Dragoon n'est pas né à partir d'une démonstration technique. Yukio Futatsugi nous a ainsi raconté que le jeu était prévu dès le départ et qu'il faisait partie de toute une liste de projets réunissant d'autres titres comme Victory Goal, Gale Racer ou encore Clockwork Knight. Comme il n'y avait aucun shoot 3D dans la liste, Yukio Futatsugi a été appelé à la rescousse et il a monté une petite équipe pour mener à bien cette mission. Ils ont estimé que l'idée d'incarner un dragon était bonne et la direction artistique a été insufflée par le dessinateur Manabu Kusunoki, fan de la BD Arzach de l'auteur français Jean Giraud, alias Moebius.
Tout en parvenant à convaincre l'auteur français de dessiner la jaquette du jeu, la Team Andromeda a créé une œuvre inoubliable. Maîtriser la Saturn ne fut pas une partie de plaisir, surtout à une époque où les kits de développement et spécifications techniques n'étaient pas finalisés. Le nom Panzer Dragoon a été trouvé dans un magazine consacré aux véhicules militaires (le Panzer étant un tank allemand) et il est venu remplacer le nom de code Kikô-ryû (dragon en armure).
Pour développer le jeu, les concepteurs ont travaillé sur des stations de travail Silicon Graphics et ils ont programmé des outils-maison pour adapter la surcharge graphique en fonction de la puissance de la Saturn. Il s'est avéré que l'architecture de la machine était plus faible que ce qu'on leur avait dit, si bien qu'ils ont essayé de trouver un équilibre entre la résolution et les éléments 2D/3D.
« Panzer Dragoon reflète une époque. C’est un jeu au contenu riche mais qui a été difficile à réaliser, avec une équipe qui ne dépassait pas 15 personnes. Nous étions jeunes et énergiques, et sans doute un tantinet égoïstes et têtus, en ayant une idée bien précise en tête du début à la fin. Et puis, il faut avouer que j’étais entouré de gens très compétents, dont certains sont restés des amis. »
Pour tenir les délais, les nuits blanches se sont accumulées, mais l'ambiance était agréable et le choix d'un shoot sur rails a permis à l'équipe de ne pas s'éparpiller. Yukio Futatsugi avait une vision très claire de ce qu'il voulait et il était d'ailleurs ravi de créer un jeu inédit qui ne provenait pas d'une borne d'arcade. Le jeu avait ainsi une philosophie console dès le départ. Panzer Dragoon est un pur chef d'oeuvre de la Saturn. Outre sa réalisation et son gameplay, le jeu a marqué les esprits en raison de son extraordinaire ambiance (avec une musique signée Yoshitaka Azuma, un compositeur qui travaillait notamment pour la chaine NHK). Avec une telle licence, on ne pouvait qu'espérer des suites, mais c'est une autre histoire.
Un régal ton article. Parfait pour célébrer ce 30ème anniversaire ! Merci !
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